Le nouveau Sénégal rompt avec la France

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 01/04/2024

A peine élu président, Bassirou Diomaye Faye dénonce « l’hypocrisie » de la France et regarde vers la Russie et la Chine

Bassirou Diomaye Faye, à Dakar, au Sénégal, le 28 mars 2024. M. Faye, 44 ans, a remporté l'élection présidentielle avec 54,28 % - Photo Senegal Presidency/Handout / ANADOLU

Cela n’a pas tardé. Dans un de ses premiers discours, le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a eu des mots très forts et très violents contre la France. Il y énonce sans ambiguïté que le Sénégal n’appartient qu’aux Sénégalais et qu’aucune puissance ne saurait s’y considérer comme chez elle, et dénonce « l’hypocrisie » de la France dans sa politique internationale et sa façon très opportuniste de faire « deux poids, deux mesures » selon les pays concernés. Le discours est cohérent avec celui du « panafricanisme de gauche » qu’il professe, mais aussi avec les multiples errements du président Macron dans sa politique africaine.

Qu’il est loin le discours tenu en 2017 à l’Université Joseph Ki-Zerbo d’Ouagadougou où, devant des centaines d’étudiants, Macron avait proclamé sa volonté de rompre définitivement avec la Françafrique et d’inventer avec ses partenaires une nouvelle politique africaine respectueuse et équitable !

On pouvait s’en douter dès son élection confirmée. Non seulement à cause des thèmes développés dans la campagne et des thèses de son parti, l’ex-Pastef, mais dès son premier discours, le lendemain de son élection. Dans la partie en français de son discours, à destination notamment des journalistes et autorités étrangères, Diomaye s’était voulu en apparence rassurant, rompant avec un certain radicalisme de campagne. Rassurant, mais néanmoins suffisamment ferme pour que son propos soit écouté attentivement.

Ainsi quand il avait lancé « Le Sénégal restera le pays ami et l’allié sûr et fiable de tout partenaire qui s’engagera avec nous dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive », la phrase pouvait se lire de plusieurs manières selon la vision que l’on a de la coopération internationale et de ses effets réels, au-delà des propos convenus ou diplomatiques. Elle pouvait notamment se lire comme le rejet a priori de toute coopération entachée de corruption ou d’inégalité dans l’échange qui caractérise le plus souvent les coopérations internationales, dont celles avec la France.

La rupture envisagée avec le franc CFA ou la volonté affirmée de renégocier les contrats internationaux qu’il s’agisse de la pêche ou des contrats relatifs aux hydrocarbures relèvent de ce même souci de rompre avec une économie encore marquée par le colonialisme.

Cette volonté d’autonomie accrue, et désormais cette rupture déterminée avec la France, l’amènera forcément à profiter de l’appétence de toutes les autres puissances pour ce nouveau Sénégal, sur le plan politique comme dans ses perspectives économiques nouvelles, notamment en matière d’hydrocarbures. Et donc à se rapprocher d’autres protagonistes de cette compétition aujourd’hui exacerbée, notamment la Russie et la Chine. Il devrait rapidement découvrir qu’ils ne se distinguent guère des autres prédateurs.

Voir le discours du nouveau président sénégalais

Jean-Paul de Gaudemar

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