Le « pacte financier mondial »: un fake
Le « choc de financement » prévu ressemble plutôt à un paquet cadeau aux élites mondiales.
Par Jean-Paul de Gaudemar
Avec le Sommet de Paris, serait donc venu ce « choc de financement » appelé de ses vœux par le président français lors de la COP 27 en Égypte, celui censé réconcilier la lutte contre la pauvreté et celle contre le changement climatique. Le défi est loin d’être simple à relever. Il pourrait même apparaître comme une contradiction en soi. Car il ne peut y avoir de lutte réelle contre la pauvreté s’il n’y a pas développement, dans le continent africain notamment.
Mais comment concilier un tel développement « vert », qui préserve la planète sans permettre à ce continent d’utiliser enfin pour lui-même toutes les ressources qui continuent d’être pillées par d’autres, notamment toutes ces puissances qui sont à l’origine du chaos climatique ?
Peut-on croire un instant que les fameux 100 milliards de dollars, promis de depuis 2020 pour « compenser » les dégâts commis par les gros pollueurs suffiront à résoudre ce dilemme ? Ou qu’une éventuelle réforme des institutions financières multilatérales y contribuera, alors même que si peu de choses sont dites sur ce que pourrait être ce développement vert susceptible d’éradiquer la pauvreté ?
Du vieux proverbe chinois « quand un homme a faim, mieux vaut lui donner une canne à pêche que le poisson lui-même », n’a-t-on pas retenu l’inverse ?
Ces 100 milliards, comme toutes les réformes envisageables de la Banque Mondiale ou du FMI, ne serviront à rien sinon à enrichir encore davantage des élites nationales, si ne sont pas précisés au préalable les modes de développement envisagés contre la pauvreté, et la combinaison intelligente d’un développement classique permettant à l’Afrique d’utiliser ses immenses ressources énergétiques et d’un développement « vert » recourant à ces mêmes immenses ressources.
Faut-il rappeler une nouvelle fois que l’Afrique, et ses 1,4 milliard d’habitants (soit 18 % de la population mondiale), ne produit que 4 % du gaz à effet de serre et seulement 3 % de la capacité mondiale de production d’électricité, comme le rappelle fort pertinemment Philippe Escande (www.lemonde.fr du 21 juin 2023) ?
Rien d’étonnant à constater que dans toute l’Afrique subsaharienne, la pénurie de courant soit si fréquente et rende extrêmement difficile voire parfois impossible le moindre développement industriel significatif.
Quand Lula conclut ce Sommet de Paris par son apostrophe « Cher camarade Macron, préparez-vous, car j’ai une volonté de me battre encore bien plus forte qu’il y a treize ans », derrière l’humour et la boutade, il y a bien davantage, sans doute le début d’un combat pour un développement « vert » dont nul, notamment en Afrique, ne peut encore définir les formes possibles et que tous les milliards de cet éventuel nouveau «pacte financier mondial » ne suffiront pas à rendre crédible.