Le piège se referme sur la gauche

par Boris Enet |  publié le 22/10/2024

Les socialistes étaient prévenus. Faire allégeance à Mélenchon a un coût différé lorsqu’il s’agit de s’en défaire. Ils s’apprêtent désormais à en payer le prix …Faure.

Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure à Caen, le 8 juin 2022 (Photo de Sameer Al-Doumy / AFP)

Sociaux-démocrates du PS ou hors les murs, ils n’ont cessé de le dire. La maxime lambertiste selon laquelle il faudrait s’attaquer à ce qui fait écran entre eux et les masses – comprenez ce qui empêche leur irrémédiable prise du pouvoir – trouve un formidable terrain de jeu à l’occasion des prochaines municipales du printemps 2026.

Mélenchon et ses lieutenants le font savoir explicitement en s’attaquant aux bastides de la gauche municipale tenues par les socialistes. Ainsi Rima Hassan annonce qu’elle donnera l’assaut à Saint-Ouen pour faucher l’énergique Karim Bouamrane. Même tarif pour Benoît Payan à Marseille. A Montpellier, il s’agira de faire perdre Mickaël Delafosse dans un casting qui reste à préciser. Peu importe le programme tenu en matière de transition écologique et urbaine, de gratuité des transports, de mutuelle communale pour tous dans la métropole héraultaise, tant que l’on défait le « social-traître ».

Mélenchon, en bon tacticien, est toujours maître des horloges. Et pour cause, on le laisse faire. Il le fut après sa défaite présentée comme un succès en 2022 avant de rééditer en juin dernier malgré ses dix pourcents dès 20h03.

Il choisit désormais son moment à quelques mois d’un congrès socialiste plus incertain que jamais. En annonçant des candidatures dans les métropoles tenues par la gauche et hostiles à sa formation, il préempte le congrès du PS et fragilise autant le positionnement de l’actuelle direction socialiste qu’il n’électrise les oppositions internes regroupées autour de Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer Rossignol.

A la manière d’une Hilary Clinton sous la violence des coups trumpistes, les socialistes se persuadent que leur maillage territorial et leur bonne gestion municipale dresseront une digue infranchissable contre la nébuleuse de la protestation. Rien n’est moins sûr. LFI n’est pas le PCF des années 70, encore moins la somme singulière de l’extrême-gauche hexagonale appelant à voter à gauche au second tour, quelle que soit la configuration. Ce monde n’est plus et le logiciel socialiste veut se convaincre qu’il existe encore.

Le noyau de l’électorat insoumis est « éduqué » par d’autres slogans dont la radicalité – comme la matrice – ont quitté les rangs des gauches, plurielles. En matière de politique internationale, de laïcité, de haine du compromis social, de rapport au mensonge et à la violence verbale.

Le combat qui s’annonce sera beaucoup plus brutal, charriant une dimension relativement inédite.

L’autre erreur funeste consiste à se persuader que le parti protestataire rechignerait à la gestion municipale et qu’il ne serait programmé que pour les estrades nationales et les effets de manche. Nouvelle cécité consistant à ne pas mesurer la transmission opérée par Mélenchon auprès de sa jeune garde de Bompard à Panot et désormais d’Aubry à Guetté.

Dans son obsession politique renvoyant davantage à Freud qu’à Marx ou Kautsky, Mélenchon ne quittera pas la scène sans avoir eu la peau des socialistes. Ces derniers semblent encore s’en étonner. Peuvent-ils enfin en prendre la mesure, rompre la cohabitation avec le populisme et l’affronter sans défaillir ?

Boris Enet