Le plan de paix de Sarkozov
L’ancien président propose de faire d’importantes concessions à Poutine pour mettre fin au conflit en Ukraine. C’est lâcher nos alliés pour tenter d’apaiser nos ennemis
Après Sarkozy-Dreyfus, honteusement pourchassé par une justice aux ordres acharnée à le martyriser, voici Sarkozy-Kissinger, qui délivre dans le Figaro une haute leçon de géopolitique appliquée. Celui qui a présidé en Libye au plus grand fiasco de la politique occidentale, ouvrant le Sahel aux menées meurtrières d’une théorie de groupes islamistes, était effectivement bien placé pour proposer une solution à la crise ukrainienne.
La Russie, dit-il, sera toujours la voisine de l’Europe après la guerre. Le général de Gaulle, en son temps, avait déclaré que Fécamp, port de mer, entendait le rester, s’attirant quelques quolibets. Sarkozy imite le grand homme : il y a peu de chances, en effet, de voir la Russie changer de place sur la carte. La question est plutôt d’arriver à une cohabitation satisfaisante avec un régime qui n’a pas hésité à déclencher une guerre au cœur du continent pour agresser un pays indépendant dont le gouvernement lui déplaisait.
La solution de Nicolas Sarkozov est toute simple : il faut céder. C’est-à-dire, au milieu des combats, alors que l’issue de la guerre est incertaine, et sans consulter le moins du monde les Ukrainiens qui se battent héroïquement et supportent tout le poids humain du conflit, déclarer tout de go, avant toute discussion, que Poutine, s’il consent à négocier, pourra garder une grande partie de ses conquêtes, la Crimée à coup sûr et sans doute une partie du Donbass.
Certains esprits mal placés mettent en rapport ces déclarations avec les liens financiers qui unissent l’ancien président à la Russie de Poutine. On n’ira pas jusque-là. En revanche, on souscrit à la remarque de Julien Bayou, député vert : Nicolas Sarkozy n’est plus un ancien président mais « un influenceur russe », à la manière de son ancien Premier ministre François Fillon. En effet, quoi de plus maladroit, de plus favorable à la thèse russe, que d’indiquer, avant même que Poutine ait montré le moindre signe de dialogue, qu’on est prêt à abandonner une grande partie du territoire ukrainien ? Si les Occidentaux se ralliaient à cette position, le dictateur du Kremlin pourrait entamer la négociation en disant, comme Staline avant lui : « ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable ».
Avant de dessiner un compromis final, qui peut effectivement comporter un arrangement territorial, il faut gagner des points sur le terrain, ce que les Ukrainiens s’efforcent de faire avec un courage insigne. Indiquer au plus fort de la guerre qu’on est prêt à d’énormes concessions, c’est leur tirer dans le dos, c’est lâcher nos alliés pour tenter d’apaiser nos ennemis. On ignorait que le cap Nègre fût si proche de Munich.