Le RN au tableau noir

par Boris Enet |  publié le 05/07/2024

Profs, chefs d’établissement, personnels administratifs, tous s’alarment des mesures d’extrême-droite appliquées dans les lycées et collèges.

Des étudiants manifestent devant le lycée Henri IV, l'un des établissements les plus prestigieux du pays, pour protester contre le Rassemblement national (RN) d'extrême droite – photo de Mohamad Salaheldin Abdelg Alsaye/Anadolu

Pétition massive des cadres de l’Éducation nationale, mises en garde des organisations syndicales d’enseignants, de chefs d’établissement, du personnel administratif, l’école tout entière se mobilise pour dénoncer les dangers qui menacent le système éducatif en cas d’arriver au pouvoir du Rassemblement national. À l’exception notable du très conservateur Syndical National des Lycées et Collèges (SNALC). Les uns et les autres rappellent les périls  : une refonte inquiétante des programmes, le port de l’uniforme, la précocité de l’orientation, un discours ambigu sur l’école privée. La plupart de ces propositions concourent à un délaissement des enfants les plus en souffrances sous prétexte d’une prétendue inégalité naturelle, fondement de l’idéologie d’extrême-droite.

Dans les établissements, les équipes se posent des questions précises : quel avenir pour les élèves étrangers, notamment les mineurs non accompagnés ? Quelle place pour les dispositifs spécifiques de soutien à l’alphabétisation aux moyens déjà limités ? Quelle conduite à tenir en cas d’élèves en situation irrégulière appréhendés par la police ? Après les propos de Jordan Bardella sur les binationaux, les fonctionnaires qui servent l’école de la République s’interrogent , se concertent : jusqu’où aller dans le refus de certaines directives sans se mettre en faute. Les organisations syndicales consultent le code de la Fonction publique et les documents administratifs concernant les droits et devoirs des agents de l’État et des collectivités locales.

Peut-on refuser d’appliquer des mesures contrevenant au droit, à la morale ou aux deux réunis ? La question peut être moins oppressante que dans la très haute fonction publique où le rapport avec le personnel politique au pouvoir est immédiat. Néanmoins, les inquiétudes pointent chez les enseignants, les personnels de direction des établissements comme dans les couloirs des rectorats . Pour autant, le milieu n’est pas épargné par la vague nationaliste qui déferle sur le pays. 20 % du corps enseignant est désormais contaminé selon les sondages. Une profession pourtant longtemps chasse gardée des gauches. Comparativement au reste du corps social, c’est peu. Une contre-performance pour le RN dans un milieu pourtant déclassé où la dépolitisation s’est installée.

Au ministère, tout parait gelé. Quel sera le sort réservé aux groupes de besoins au collège, aux mesures du pacte enseignant tant décrié il y a deux ans , à la refonte des concours à l’heure où l’attractivité de l’Éducation nationale continue de s’écrouler inexorablement ? Un temps suspendu qui ne réunit en aucune façon les conditions de préparation d’une rentrée sereine alors que les personnels de direction clament leur épuisement à qui veut et peut les entendre.

Boris Enet