Le RN est toujours vivant

par Valérie Lecasble |  publié le 31/03/2025

Lourdement condamnée en première instance, Marine Le Pen dispose de l’arme de l’appel qui pourrait être accéléré sous la pression politique. Et si elle était empêchée en 2027, Jordan Bardella ne serait pas forcément un mauvais candidat…

Portrait de la présidente du groupe parlementaire du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN), Marine le Pen au palais de justice de Paris pour son verdict de procès sur des soupçons de détournement de fonds publics européens, à Paris, le 31 mars 2025. (Photo d'Alain JOCARD / AFP)

Le coup de massue. La condamnation de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité, avec application immédiate, dépasse tous les pronostics. Même Patrick Maisonneuve, l’avocat du Parlement européen, n’en réclamait pas tant, lui qui comme la plupart de ses collègues croit en la vertu de l’appel, pour le respect des droits de la défense où toute première peine prononcée ne doit être définitive. C’était oublier que la juge Bénédicte de Perthuis, la même que lors de l’affaire Fillon, est rompue aux affaires politiques, et … réputée pour la sévérité de ses jugements.

Le RN de Marine Le Pen est-il mort pour autant ? Pas sûr… D’abord, l’appel peut intervenir rapidement, d’ici quelques mois si la justice accélérerait la procédure en raison de l’importance de l’enjeu, une hypothèse crédible que le gouvernement pourrait réclamer au parquet général pour éteindre le feu des critiques. Les compteurs de la condamnation seraient alors remis à zéro, pour l’inéligibilité et pour l’exécution provisoire. Le jugement en appel pourrait intervenir dès l’automne, ce qui aurait le double avantage de légitimer la condamnation en première instance si elle devait être confirmée ; ou de l’invalider et de redonner de l’air à Marine Le Pen pour la présidentielle de 2027, si elle était infirmée.

Cette accélération éviterait aussi le risque d’une victimisation de Marie Le Pen. On entend déjà les responsables du Rassemblement National crier au déni de droit et au scandale républicain sur le thème : ce sont aux électeurs de choisir et pas à la justice de décider qui sera ou non en lice pour la présidence de la République. Les trumpistes ont usé de cet argument pour porter au pouvoir leur candidat : plus les juges condamnaient Donald Trump et plus il grimpait dans les sondages. Certes, les États-Unis ne sont pas la France, mais les frasques judiciaires d’un Bernard Tapie ne l’ont pas empêché de se faire aimer des Français, ni celles d’un Patrick Balkany de séduire les levalloisiens, même si Marine Le Pen condamnée à cinq ans de prison se présenterait sérieusement plombée devant les électeurs en 2027.

Aussi bien, son empêchement pourrait donner des ailes à… Jordan Bardella. Même si elle en a in fine sous-estimé l’enjeu et si elle a mal dosé sa défense, Marine Le Pen savait qu’elle risquait gros dans ce procès. Ce n’est pas pour rien qu’elle forme depuis des années son jeune poulain et le désigne comme celui qui serait capable de la remplacer au pied levé. Considéré comme trop jeune et sans aucune expérience des responsabilités, Jordan Bardella pourrait profiter de l’ombre tutélaire de Marine Le Pen pour monter en puissance et porter les couleurs du Rassemblement National. N’a-t-il pas su, par deux fois, remporter les élections européennes ?

Valérie Lecasble

Editorialiste politique