Le sondage qui devrait fouetter le PS

par Laurent Joffrin |  publié le 06/04/2025

Deux messages dans la dernière enquête Elabe-La Tribune : le RN est toujours aussi dangereux ; sans rénovation claire, le PS restera sous les radars.

Laurent Joffrin

Contrairement à ce que disent les faux experts en politique, il faut toujours avoir l’œil sur les sondages. Ils ne prédisent rien, bien entendu, sauf quelques jours avant l’élection (et encore), mais ils donnent une évaluation assez fiable des rapports de force dans l’instant, ce qui est utile à l’analyse. Ainsi celui que vient de publier Elabe pour La Tribune Dimanche, qui simule une élection présidentielle, sans aucune valeur prophétique bien sûr, mais avec des résultats qui vont contre les idées reçues, à droite et à gauche.

À droite, en premier lieu. Les tribulations judiciaires en cours n’ont pour l’instant aucun effet sur l’audience de Marine Le Pen dans l’opinion. La délinquante du RN reste créditée de 35% des intentions de vote au premier tour, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige. Mais cette bonne nouvelle pour elle se double d’une mauvaise : Jordan Bardella réalise un score comparable. Ainsi les électeurs semblent se moquer des condamnations prononcées par la justice, dans un sens comme dans l’autre : ils gardent leur confiance dans le RN, mais ils estiment que Marine et Jordan, au fond, c’est kif-kif. Comme s’ils anticipaient déjà l’éventuel empêchement de la cheffe, sans que cela les émeuve outre mesure, comme en témoigne le relatif insuccès de la manifestation RN de la place Vauban à Paris…

Même paradoxes dans le camp adverse. On aurait pu penser que les difficultés du bloc central et l’impopularité de Bayrou profiteraient à la gauche : pas du tout. Elle reste désespérément collée à 30% des voix tout compris. Ce qui signifie que la stratégie qu’elle suit depuis bientôt huit ans ne fonctionne toujours pas. Évidence confirmée par le score du candidat issu du macronisme : qu’il s’agisse d’Édouard Philippe ou de Gabriel Attal, il se classe second du premier tour, nettement devant les candidats de gauche. Ce qui nous ramènerait au schéma des deux dernières présidentielles : lepénistes contre macronistes au second tour.

L’explication est simple : à soutenir sans cesse une union entre des forces qui sont en profond désaccord, la gauche ne regagne aucun électeur sur le centre et plafonne avec une admirable constance. Le message vaut surtout pour le PS : en faisant passer une union qui rebute les électeurs avant la rénovation de ses idées et de son organisation, il stagne médiocrement. Ce que le sondage Elabe confirme : des trois figures socialistes ou apparentées testées par Elabe, Faure, Hollande et Glucksmann, c’est le premier, parangon de l’Union, qui fait le plus mauvais score. Et c’est Glucksmann qui fait le meilleur, sur une ligne clairement anti-LFI.

La conclusion s’impose d’elle-même : plutôt que spéculer sur l’improbable résurrection d’un NFP réduit aux acquêts, il faut d’urgence rénover la gauche réformiste et la réunir au sein d’une même organisation, pour qu’elle puisse rassembler la gauche autour d’elle, tout en reprenant du terrain sur le centre. Faute de quoi, nous risquons d’assister au même film décourageant pour la troisième fois en dix ans, avec un risque RN décuplé.

Laurent Joffrin