Le « stratagème de la lamproie »

par Pierre Feydel |  publié le 24/05/2024

Les Chinois pillent les technologies occidentales…sans scrupules mais avec une redoutable efficacité !

Une femme tenant un téléphone portable devant le logo de Baidu Research- Photo Artur Widak / NurPhoto / NurPhoto via AFP

En 1989, le massacre de la place Tien Anmen met fin à la période de libéralisation initiée par Deng Xiaoping. La répression est féroce. Les instances dirigeantes de la République populaire vont être réformées. Les services de renseignement n’échapperont pas à ces réorganisations. D’autant que, désormais, le grand objectif est le renseignement économique, scientifique et technologique. Les espions de Pékin excellent dans ce domaine. En 1999, pendant une parade militaire, l’attaché militaire français constate atterré que le missile « Drapeau rouge »  ressemble comme deux gouttes d’eau au Crotale sol-air français conçu par Thalès et MBDA.  Les Américains ont la même très désagréable surprise lorsqu’ils s’aperçoivent que la fusée « Dongfebg 31 », un vecteur nucléaire, doit vraiment beaucoup à leurs technologies.

Cette anecdote rapportée par Roger Faligot dans « Les services secrets chinois, de Mao à Xi Jinping » (Nouveau Monde poche,11, 90 euros) – un ouvrage référence dans le monde du renseignement – n’est qu’un signal parmi des centaines sinon des milliers d’autres. Les services chinois pillent littéralement la technologie occidentale. À la même époque, le rapport Cox du nom du président du président de la Commission spéciale sur la sécurité nationale de la Chambre des représentants assène un véritable coup de massue aux contre-espions occidentaux, et pas seulement américains. Il révèle que les Chinois savent tout ou presque sur les armes nucléaires américaines qu’ils auraient allègrement copiées pour accélérer leur propre programme d’armement.

Nation technologiquement très avancée, les États-Unis représentent une cible majeure : 13 affaires d’espionnage d’importance sont recensées sur le territoire de l’union, imputables aux services chinois de 1984 à 2007. Presque une tous les dix-huit mois. Le FBI ne chôme pas. Elles sont de tous ordres. Depuis, un restaurateur Kao Yenmen qui tente d’acheter des composants de missiles jusqu’à deux agents des services de renseignement de l’Armée populaire, très actifs, arrêtés pour avoir volé les secrets de fabrication de gyroscopes, en passant par des chercheurs de Los Alamos, centre d’essais nucléaires américains, Peter Lee et Wen Ho Lee, convaincus d’avoir livré des secrets sur la bombe.

En 1986, Deng a établi le programme 863, une liste des domaines à espionner en priorité : guerre biologique, technologies de l’espace, de l’information, des lasers, du nucléaire, robotique, matériaux rares. Et bien entendu, il s’agit de mêler parmi les cibles, comme parmi les acteurs, le civil et le militaire. Tout le monde espionne tout. Aux professionnels se rajoutent les chercheurs , les étudiants, les représentants des entreprises d’État ou privées, tous ceux qui voyagent en Occident à un titre ou à un autre. Les méthodes sont multiples. Le « stratagème de la lamproie » les résume. Ce poisson se cache dans les fonds marins, attend sa proie, se colle à elle, avant d’en siphonner le sang. Et cela fait près de 40 ans que ça dure…

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire