Le trou de souris de Cazeneuve

par Valérie Lecasble |  publié le 06/12/2024

Les socialistes ont présenté leurs conditions à Emmanuel Macron : un gel de la réforme des retraites, une conférence salariale et un Premier ministre de gauche. Qui pourrait être Faure lui-même… ou Cazeneuve.

Le chef du parti centriste du MoDem, François Bayrou, s'exprime aux côtés de l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve lors de l'université d'été du MoDem, le 29 sept. 2024. (Photo FRED TANNEAU / AFP)

La réunion s’est tenue en visioconférence vendredi 6 décembre au matin, avec les dirigeants de l’ensemble des courants du Parti socialiste. Son but : définir les points clés que les socialistes présenteraient quelques heures plus tard à Emmanuel Macron. Avec cette nouveauté de taille : Olivier Faure, Boris Vallaud et Patrick Kanner ont reçu pour mission d’obtenir du Président de la République qu’il nomme un Premier ministre de gauche, qui pourrait être Olivier Faure lui-même… ou Bernard Cazeneuve.

Sans être formellement avancés, les deux noms n’ont pas été récusés devant le président Macron. Avec cette nuance entre les deux : Bernard Cazeneuve est soutenu par les deux courants minoritaires du PS, tandis qu’Olivier Faure fait le forcing pour être nommé lui-même. Autrement dit, à l’inverse de ce qui s’était passé l’été dernier, même s’il n’est pas le préféré, Cazeneuve n’est plus persona non grata.

L’échec de Michel Barnier a rouvert le jeu. Le PS a compris que pour sortir de la crise politique, les partis de gauche et du bloc central doivent s’accorder sur quelques sujets de fond qui leur permettent de gouverner ensemble – ou de laisser un nouveau Premier ministre gouverner, même sans participer – jusqu’en juillet, date avant laquelle la dissolution est interdite. Et puisque la gauche est la plus nombreuse, dit-il, c’est à son tour de prendre les manettes.

Ce n’est pas tout. Au terme de la réunion, il a aussi été décidé que le trio composé du Premier secrétaire du PS, et des présidents du groupe à l’Assemblée Nationale et au Sénat, demanderait à Emmanuel Macron le gel de la réforme des retraites qui a fixé l’âge légal à 64 ans, en attendant qu’une « conférence de financement » trouve le moyen de compenser le manque à gagner. On a aussi évoqué d’autres pistes, notamment la convocation d’une grande conférence salariale tripartite entre l’Etat, le patronat et les syndicats en vue d’une hausse de 10% du salaire minimum. Enfin, les trois compères doivent annoncer que la gauche ne participera pas à un gouvernement de droite, ce qui ne veut pas dire que les socialistes ne le soutiendront pas, à condition qu’il fasse des avancées sur les sujets clés annoncés.

Tel est donc le message porté à Emmanuel Macron par les trois socialistes. Quelles chances cette équation complexe a-t-elle d’aboutir ? S’ils veulent stabiliser la situation pour empêcher la présidentielle anticipée que cherche à provoquer Jean-Luc Mélenchon, soutenu désormais par Marine Le Pen et pour laquelle ils ne sont pas prêts, les socialistes ont tout intérêt à obtenir ce « pacte de non-censure » évoqué depuis plusieurs jours par Boris Vallaud.

En cela, leur intérêt rejoint celui d’Emmanuel Macron : un « arc de gouvernement » au service de l’« intérêt général » pour éviter une nouvelle censure, qui pourrait lui être fatale.
Voilà pourquoi, il y a quelque raison d’espérer. Cette ultime tentative des socialistes de se détacher de La France Insoumise a, peut-être, cette fois, une chance d’aboutir. A condition qu’ils ne donnent pas le sentiment de négocier tout seuls de leur côté et qu’ils parviennent à embarquer avec eux les écologistes, voire les communistes.

Emmanuel Macron va-t-il saisir cette perche ? Il a promis d’appeler les autres partis pour en discuter. Mais on sait aussi que le chef de l’Etat songe toujours à une solution plus à droite. Après avoir dû écarter Sébastien Lecornu qui avait ses faveurs mais hérissait trop de monde, y compris dans son proche camp, il semble aujourd’hui privilégier la solution Bayrou. Celui-ci a appelé par deux fois à voter socialiste au deuxième tour de l’élection présidentielle et il a soutenu à deux reprises Marine Le Pen, d’abord pour qu’elle obtienne ses 500 signatures, puis lors du récent réquisitoire du procès des assistants parlementaires. Autrement dit, le chef du Modem peut ratisser large.

Il lui reviendrait alors de satisfaire les revendications des uns et des autres pour éviter la censure. Et pour qu’Olivier Faure, ayant échoué, ne décide pas de retourner dans le giron du Nouveau Front Populaire.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique