Leçons d’un débat
Les porte-parole des trois blocs se sont combattus hier soir sur TF1. Il en ressort des conclusions inattendues.
Bardella, Attal, Bompard : duel à trois hier soir sur TF1 et LCI, comme dans « Le Bon, la Brute et le Truand ». Chacun distribuera les rôles comme il le voudra… Les orateurs étaient dans leur couloir, surtout occupés à ne pas faire de faute. Un leader RN décidé à rassurer ; un Premier ministre contraint d’attaquer par son retard dans les sondages ; un apparatchik LFI soucieux de gommer son image de bureaucrate sectaire. Au fond – c’est terrible à dire – chacun a atteint ses objectifs.
Il reste, une fois l’écume dissipée, deux leçons utiles. En dépit de ses erreurs techniques, de ses zigzags programmatiques, Bardella a conforté son électorat, qui le place en favori du scrutin. On a compris son essentielle nocivité : c’est un nationaliste qui obéit à des critères ethniques, comme en témoigne l’interdiction des binationaux à des postes « sensibles », laquelle consiste, en fait, à tenir ces citoyens comme les autres pour des Français louches. Trois millions de citoyens honnêtes, et tout aussi patriotes que lui, apprécieront cette discrimination qui nous renvoie aux temps de la Révolution nationale du Maréchal Pétain.
Réquisitoires
Mais ses réquisitoires contre l’insécurité, contre l’indifférence à l’égard des plus défavorisés, contre l’irénisme des élites, confortent, à tort ou à raison, des millions de Français dans l’idée qu’ils ont été abandonnés par la classe dirigeante. Constat qui devra, en tout état de cause, interroger la gauche, une fois la bataille de ces législatives terminée, et quel qu’en soit le résultat.
Reste Manuel Bompard, bureaucrate mélenchoniste délégué sur le plateau pour porter la voix de son maître. Faut-il l’avouer ? Sa prestation fut moins caricaturale qu’on pouvait le craindre, même si l’escouade de thuriféraires convoqués derrière lui, qui hochaient la tête comme des automates à chacune de ses paroles, donnaient une gênante impression de ballet réglé d’avance. Il incarne une gauche péremptoire, irréaliste, sectaire à maints égards. Mais qui agite, sur le pouvoir d’achat des classes populaires, injustement négligé, ou sur l’immigration, désignée comme bouc émissaire de tous les maux de la nation par ses adversaires, des questions auxquelles toute gauche doit répondre, à commencer par la social-démocratie.
Une gauche quand même, en un mot, qui n’est pas la nôtre, mais qu’il faut à la fois comprendre et combattre, écouter et réfuter. Ce qui conduit à l’interrogation suivante : pour ne pas laisser notre gauche à Mélenchon, souci légitime, faut-il mettre sur le même plan le Front Populaire et le Rassemblement national ? Faut-il, par prévention envers Mélenchon, permettre à Bardella de gouverner la France en refusant de choisir au deuxième tour entre Nouveau Front Populaire et Rassemblement national ?