« L’Écume des Pages »: Bolloré se paie aussi la culture
Une librairie iconique qui tombe dans l’escarcelle de Bolloré… un pas de plus dans la conquête des médias et de leur diffusion par l’ogre devenu le grand manitou de l’extrême-droite en France
C’est donc bien le groupe Vivendi, propriété de Yannick Bolloré, qui deviendra propriétaire dans les jours qui viennent de la librairie L’Écume des Pages, jusque-là indépendante et propriété des héritiers de la famille Besançon. Une acquisition dont la valeur dépasse largement le prix d’achat, revu du reste à la hausse par la surenchère financière du repreneur après qu’un tour de table réunissant David Frèche, un homme d’affaires entouré d’une vingtaine de personnalités attachées à la libraire eut recueilli l’approbation de l’ensemble du personnel. En vain.
Située boulevard Saint-Germain dans le sixième arrondissement de Paris, ouverte tous les jours, sauf le dimanche, jusqu’à minuit, c’est une de ses grandes librairies généralistes que le monde entier nous envie. Si sa valeur est certes économique, elle est évidemment culturelle et intellectuelle. Que le groupe Vivendi, après la crise du JDD suite à la nomination de Geoffroy Lejeune à sa tête, prenne un lieu aussi symbolique a de quoi inquiéter fortement.
Rien n’y a fait, ni les déclarations d’Anne Hidalgo, maire de Paris, ni la mobilisation des amoureux de L’Écume des pages, ni, celle, rare et courageuse, des quelque vingt salariés qui font grise mine ont pris la parole dans ActuaLitté : « Nous resterons fidèles à l’image que nous avons incarnée depuis toujours, au service d’une offre éditoriale plurielle et exigeante, nous continuerons de défendre des livres hors du commun, nous prodiguerons quoi qu’il arrive nos conseils avec la même envie »,
Face à ce rachat désormais inévitable qui permet à Vivendi de prendre position au cœur de Saint-Germain-des-Prés, la mobilisation se poursuit pour veiller à l’avenir de cette librairie emblématique. Un collectif d’amis de L’Écume des Pages, constitué, en association, a déjà pris contact avec Yannick Bolloré pour tenter d’obtenir des garanties en matière de pluralisme des idées, et de diversité des maisons d’édition distribuées.
Il s’agit de s’assurer de la totale liberté des libraires dans les choix et les mises en avant des livres. La discussion est, au moins, engagée. Sans illusions.
Une observatrice avertie prédit, pessimiste : « Le symbole est violent. Bolloré va faire comme toujours. Cela prendra un peu de temps, mais il finira par placer des hommes à lui… »