Législatives : relever le défi de Macron

par Laurent Joffrin |  publié le 09/06/2024

Face à cette nouvelle échéance, dramatique , la gauche doit réagir dans la cohérence, et non reconduire la NUPES, une alliance désormais contre nature

portrait de Laurent JOFFRIN le 23 juillet 2020

Quand on passe sous la table, il vaut mieux la renverser. Tel est le raisonnement- totalement inattendu, reconnaissons-le – tenu par Emmanuel Macron au soir de ces Européennes qui prennent un tour dramatique. Constatant la déroute de son parti, voyant l’impérieuse domination de l’extrême-droite sur le scrutin, tablant sans doute sur la désunion de la gauche, il a décidé de faire tapis, en joueur de poker solitaire et égotiste. L’Assemblée est donc dissoute et les électeurs sont convoqués aux urnes dans un mois.

Comment interpréter ce geste d’ultime recours ? Par une tentation suicidaire, diront les uns. À 32 % dans cette élection, le RN se retrouvera au second tour dans un très grand nombre de circonscriptions. Pour l’empêcher d’atteindre la majorité, il faudrait que les autres partis jouent une nouvelle version de l’antique front républicain, en se désistant les uns pour les autres. Mais la droite votera-t-elle pour un candidat de gauche présent au second tour ? Et la gauche pour un macroniste ou un LR ? On peut en douter.

Dans cette hypothèse, le RN arrive au Parlement nanti d’une belle majorité. S’ouvre alors une cohabitation entre Emmanuel Macron et le RN. Marine Le Pen (ou Jordan Bardella) gouverne, Macron résiste et espère offrir dans trois ans une revanche à un nouveau candidat du centre-droit. Sinistre perspective.

Sursaut

Le président peut aussi jouer le sursaut. La moitié des électeurs, remarque-t-il, ne se sont pas déplacés. Placés devant le risque RN, ils se reprendront et priveront les lepénistes de leur majorité. Emmanuel Macron négociera alors un nouveau gouvernement, doté d’une majorité de coalition, pour conduire. Moindre mal, mais pari pour le moins risqué.

Dans les deux cas, la gauche se retrouve devant un dilemme aigu. Après des mois de campagne passés à s’invectiver, la gauche raisonnable et la gauche irresponsable trouvent un accord électoral qui apparaîtra à tous comme un replâtrage en panique. Une nouvelle NUPES qui réunira artificiellement deux forces opposées, avec un Mélenchon qui jouera pour nombre d’électeurs progressistes le rôle du repoussoir… Une campagne à coup sûr cauchemardesque.

Il est une autre solution : celle de l’autonomie et du courage. La gauche réformiste reste elle-même, se présente sous ses couleurs et joue son jeu, quitte à passer un simple accord de désistement pour le second tour. Au moins cette solution a le mérite de la clarté et de la cohérence. Elle est conforme, en tout cas, à la ligne politique qui a conduit Raphaël Glucksmann à rendre à la gauche démocratique sa confiance et sa crédibilité.

Laurent Joffrin