Les Beatles à l’Olympia : secrets et légendes

par Thierry Gandillot |  publié le 10/02/2024

Trois semaines parisiennes frénétiques et décisives des  Beatles à l’Olympia qui ont changé la face la pop culture

D.R

Three weeks ! ( trois semaines ! ) Lorsque Bruno Coquatrix signe le contrat, en juillet 1963, avec le manager des Beatles Brian Epstein, il fait l’un des plus beaux coups de sa carrière. Jamais, par la suite, les Fab Four ne resteront plus de trois jours au même endroit. Et c’est à Paris, dans la nuit qui suivit la Générale du 16 janvier 1964, que les quatre garçons apprendront la nouvelle qui fera basculer leur vie : « I Want to Hold Your Hand », est classé N°1 en Amérique ! Rien ne sera plus jamais comme avant. Les Beatles sont entrés dans l’ère planétaire. Jusqu’à l’aube, ils firent une nouba terrible dans leurs suites du George V sautant comme des gamins sur le mobilier Louis XV en poussant des cris d’Indiens.

Bizarrement, cette tournée, qui les tiendra à Paris du 14 janvier au 4 février 64, n’avait jamais été sérieusement documentée. Un nombre incalculable de légendes ont circulé avant qu’Éric Krasker, dans ce gros bouquin de 600 pages, ne rétablisse les faits. Mais quel boulot !

 Par exemple : est-il vrai que les Beatles ont fait la première partie de Sylvie Vartan, comme l’affirmaient plusieurs témoins, dont Johnny Halliday ? Eh bien, non ! L’ordre de passage concocté par Coquatrix, outre des funambules, des jongleurs, des imitateurs et… Pierre Vassiliu, était : Trini Lopez, vers 22 h 30, puis Sylvie Vartan, et enfin Les Beatles pour une dizaine de morceaux. Sylvie était souvent chahutée. Au point que Johnny n’hésita pas un soir à se brasser avec un spectateur qui avait balancé un paquet de cigarettes et poussé des cris d’oiseaux. Il n’était pas le seul, mais c’est lui qui a pris.

Ce ne fut pas l’unique bagarre. La première eut lieu dans les coulisses le soir même de la Générale. Dans la salle, Coquatrix avait invité le Tout-Paris, en smoking et robe longue ,pour les premiers rangs : Léon Zitrone, le maréchal de Lattre de Tassigny, Marcel Carné, Pierre Mendès-France, Claude Nougaro, Michel Simon, on en passe… Des policiers en nombre protégeaient les abords de l’Olympia et les loges. Ce qui n’empêcha pas une baston homérique de se déclencher entre photographes français et anglais (qui avaient obtenu « l’exclu » ). Les gros bras de l’Olympia se joignirent à la mêlée, puis les flics. Ce soir-là, les Beatles ont rencontré un succès mitigé : le parterre était trop huppé, sans parler du fait que la sono est tombée trois fois en panne ! Ils se sont rattrapés par la suite…

Krasker démonte aussi la légende, entretenue par le photographe Jean-Marie Périer, selon laquelle les Beatles auraient grâce à lui rencontré Brigitte Bardot dont ils étaient crazy en la faisant rentrer discrètement par une porte dérobée du George V. C’est faux. Il raconte aussi comment l’enregistrement aux studios Pathé-Marconi de Boulogne-Billancourt de deux chansons en allemand, dont « Sie liebt dich » (« She Loves You ») a failli capoter. Comment ils ont composé sur un piano droit « Can’t Buy me Love » et jeté les bases de « Yesterday » (qui s’appelait encore « Scrambled Eggs ». Comment un sculpteur, David Wynne, réalisa, toujours au George V, les uniques bustes en bronze existant d’eux.

Comment, enfin, a été arrangé ce rendez-vous photo place du Tertre avec une mystérieuse « french little girl » en minijupe noire fendue. Elle s’appelait Sophie Hardy et débutait une carrière de comédienne. Elle les a trouvés « très gentlemen ».

 Les Beatles à l’Olympia. Eric Krasker. Le Cherche-Midi. 600 pages, 25 euros

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture