Les carnets du Festival : la troisième palme

par Tewfik Hakem |  publié le 15/05/2024

Journal de bord d’un festivalier ordinaire. Cannes au jour le jour par notre envoyé spécial sur la Croisette

Affiche officielle - D.R

Tout le monde veut voir avant tout le monde le nouveau film de Francis Ford Coppola, Megapolis. La première mondiale de Megapolis est donc prévue dès demain. En attendant, chaque personne rencontré à Cannes a déjà sa petite idée sur le film (à partir de 3 lignes de résumé et 2 minutes de bande-annonce ?), prête à le défendre jusqu’au jour du jugement dernier du jury de cette 77éme édition. Cette touchante marque d’amour pour le parrain du bon vieux New Hollywood est transfrontalière et transgénérationnelle. En moins de 24heures, un critique égyptien, deux journalistes français, une productrice italienne et un barman serbe m’ont dit qu’ils aimeraient bien que la palme d’or aille cette année à Francis Ford Coppola.

Qu’est-ce qui nous attend avec Megapolis ? Une fresque SF ? Un film d’anticipation ? « Une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence » comme l’écrit le Festival de Cannes dans son catalogue ? Une fable, comme le souligne sobrement le trailer ?

Mise en ligne le 4 mai, la première bande-annonce de Megalopolis a été aussitôt vue par des millions de terriens connectés. Elle est constituée d’une seule et très intrigante séquence. Adam Driver, blême et nerveux, essaye de trouver son équilibre au sommet d’un incroyable bâtiment en métal et en verre, puis lève son pied pour se jeter dans le vide. Mais à peine lancé, il demande aussitôt au temps de s’arrêter pour suspendre sa chute. Pas d’effet spéciaux vertigineux, pas de décors post-apocalyptiques, le futur ressemble furieusement au cauchemar d’aujourd’hui.

En attendant de découvrir ce film que Coppola dit avoir trainé depuis 40 ans, la bande-annonce nous offre déjà une piste de réflexion originale : et si on pouvait arrêter le temps, d’un claquement de doigts comme le fait Adam Driver, juste pour sortir de la torpeur et de l’impuissance, et tenter de stopper la mécanique infernale qui fait actuellement courir le monde à sa perte ?

Une autre raison anime l’envie de voir ce film remporter la Palme d’Or. Si Francis Ford Coppola, 85 ans, l’obtient, il sera le premier réalisateur à avoir trois Palmes d’Or à son actif. Pour rappel, Coppola avait obtenu son premier sacre en 1974 avec Conversations secrètes. En 1979, avec le monumental Apocalypse Now, Coppola alors âgé de 40 ans devient le premier réalisateur à recevoir pour la seconde fois la plus haute distinction du Festival.

La liste des cinéastes doublement or-palmés s’est depuis allongée : Émir Kusturica, le réalisateur yougoslave (Papa est en voyage d’affaires, 1985 et Underground, 1995) ; le danois Bille August (Pelle le conquérant, 1988, et Les Meilleures Intentions, 1998) ; le japonais Shōhei Imamura (La Ballade de Narayama, 1983 et L’Anguille, 1997) ; les frères belges Jean-Pierre et Luc Dardenne (Rosetta, 1999 et L’Enfant, 2005) ; l’ autrichien Michael Haneke (Le Ruban blanc, 2009 et Amour, 2012) ; le britannique Ken Loach (Le Vent se lève, 2006 et Moi, Daniel Blake, 2016) ; et enfin le suédois Ruben Östlund (The Square, 2017 et Sans filtre, 2022).

Sans avoir vu Megapolis, mais comme tout le monde à Cannes, on espère que Coppola inaugurera une nouvelle liste, celle des Jamais deux sans trois.

À voir : MEGALOPOLIS – Les premières images

Tewfik Hakem