Les dadas de Dati
Juste après la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille (PLM), en début de semaine prochaine, arrive celle de l’audiovisuel public. Deux propositions de loi en faveur desquelles la ministre de la Culture a mis tout son poids dans la balance.

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Semaine chargée pour Rachida Dati. Lundi est programmée la discussion à l’Assemblée nationale de la loi dite PLM. Puis, surtout, arrive quatre jours plus tard à l’ordre du jour le énième avatar de la réforme de l’audiovisuel public. Déjà proposée par Franck Riester et enterrée par le Covid, elle est réapparue avec l’actuelle ministre de la Culture, pour être repoussée deux fois pour cause de dissolution puis chute du gouvernement Barnier.
La voici enfin qui arrive dans l’hémicycle après des péripéties en commission où son examen a été marqué par une passe d’armes entre la ministre et une administratrice du Palais-Bourbon, provoquant deux interruptions de séance. Rachida Dati, agacée par le tir de barrage organisé par les socialistes, qui ont déposé plus de mille amendements, s’en est pris en termes rudes à la fonctionnaire qui s’opposait à une de ses demandes. Émoi et incident…
Pas de quoi ébranler la ministre qui tient mordicus à sa réforme. Elle a tanné François Bayrou pour qu’il l’intègre au programme gouvernemental. Elle a été en effet annoncée lors du discours de politique générale. Contre vents et marées, elle a exigé qu’elle soit discutée avant l’été pour application début 2026. Il se murmure que pour obtenir ses deux réformes (PLM et audiovisuel), Rachida Dati aurait eu un argument massue à faire valoir au Premier ministre.
Elle aurait promis de soutenir une protégée du Béarnais, Séverine de Compreignac, actuelle chef du pôle parlementaire à Matignon et possible candidate aux législatives dans l’ex- circonscription de Rachida Dati à Paris. Une partielle pourrait être organisée dans le 7ème arrondissement, l’actuel député titulaire, installé par la ministre, étant menacé d’inéligibilité après le rejet de ses comptes de campagne. Sa circonscription en or serait promise à madame de Compreignac …
Quoi qu’il en soit, la réforme a bien atterri au palais-Bourbon, après être née au Sénat. La PPL prévoit de créer une holding qui regrouperait trois entreprises du service public, France Télévisions, Radio France et l’INA, pour en faire un pôle mieux à même de faire le poids face aux géants d’Internet. Les activités d’information ou de proximité pourraient être réunies dans des filiales de la holding dont le président, nommé par l’Arcom, aurait pour mission de renforcer et de rationnaliser le secteur public de l’audiovisuel à l’heure numérique.
Sur le papier, le projet paraît logique. La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte s’y est d’ailleurs dite favorable, son homologue de Radio France se montrant plus sceptique. Cette dernière souhaite défendre l’indépendance de sa maison, dont le personnel craint d’être avalée par sa grande voisine. Des salariés ont déjà mené une grève préventive en début de semaine, rejoints par leurs collègues de la télé, toujours effrayés par un changement qui mettrait en péril les habitudes. Bilan : en pleine actualité Le Pen, le service public n’a pas pu commenter les conséquences du jugement foudroyant le RN. Pas la meilleure manière de démontrer son utilité en l’état…
La fronde contre le texte n’est pas seulement menée par les syndicats. Les députés socialistes sont vent debout. On ne sait si c’est davantage contre une ministre qui ne prend guère de gants avec eux ou contre un texte qui, selon eux, affaiblirait le service public, toujours est-il qu’ils font tout en leur pouvoir pour faire échouer le vote. Aux manettes, Emmanuel Grégoire, député de Paris et candidat à l’investiture socialiste pour les prochaines municipales dans la capitale. Des élections qui auront comme probable championne à droite une certaine…Rachida Dati.
Que sortira de cet embrouillamini ? L’avenir du service public est en jeu. Il est plus que jamais nécessaire que sa voix se fasse entendre, quand certains groupes du privé pratiquent la désinformation et que les réseaux sociaux minent les débats. Que la réforme passe ou non, la télé et la radio publiques doivent être soutenues. A charge pour elles de s’adapter aux exigences de la modernité et de… la rigueur budgétaire.