Les derniers jours de Macron

par Laurent Joffrin |  publié le 23/08/2024

Pour encore quelques jours, le président reste au centre du jeu politique. Mais une fois le nouveau gouvernement nommé, il en sortira. Nous vivons le dernier acte du macronisme…

Laurent Joffrin

Emmanuel Macron, fort heureusement, est en bonne santé. Les derniers jours dont nous parlons ne visent donc pas la longue vie qui l’attend encore, et tant mieux pour lui. Ils désignent son parcours de monarque républicain désigné par le peuple : à la minute où il aura nommé un ou une Première ministre, il perdra toute influence sur la politique française.

On dira que cette situation s’est déjà produite : la Vème République a déjà connu trois cohabitations, Chirac contre Mitterrand, Balladur contre Mitterrand, Jospin contre Chirac. Mais avec des différences décisives. Dans deux cas sur trois, le président pouvait se représenter, ce qu’il a fait avec succès (Mitterrand en 1988, Chirac en 2002). Le duel continuait donc en dépit du retrait présidentiel imposé par la constitution. Emmanuel Macron, lui, s’effacera en tout état de cause à la fin de son mandat.

Et surtout, les trois Premiers ministres de cohabitation disposaient de majorités nettes, qui leur garantissaient la pérennité. Rien de tel cette fois-ci : sauf en cas de coalition droite-centre et gauche, récusée par les intéressés, aucune combinaison parlementaire n’offrira au nouveau gouvernement un socle suffisant pour faire passer ses projets. L’attention du futur Premier ministre sera concentrée, non sur son rapport avec le président, qui sera le cadet de ses soucis, mais avec le Parlement, où se formeront les nécessaires compromis et qui tiendra en permanence dans sa main l’équipe au pouvoir. Nous étions en régime semi-présidentiel ; nous serons en régime strictement parlementaire. Le président gardera son influence sur la politique étrangère, comme il est de mise sous la Vème, mais pour le reste, il sera ramené au rang de simple spectateur.

Certes il pourra dissoudre l’Assemblée dans un an. Mais on voit mal comment il pourrait, au terme de ces nouvelles élections, retrouver une majorité macroniste. Le Parlement nouveau continuera donc de gouverner, quoi qu’il arrive. Expérience radicalement neuve : il faut remonter à quelque soixante-dix ans pour trouver un précédent. Le Général de Gaulle, à cette époque, avait bâti son projet sur la dénonciation du « régime des partis », qui a certes mené une politique meilleure qu’on le pense généralement, mais qui s’est révélé incapable de surmonter la crise algérienne et qui a succombé pour cette raison. Fâcheux souvenir pour le parlementarisme renaissant…

Voilà donc, au-delà de la droite et de la gauche, de la force respective des extrêmes et du « bloc central », l’enjeu encore mal mesuré de la période qui s’ouvre : démontrer qu’après les derniers jours de Macron, un régime parlementaire peut faire mieux – ou aussi bien en tout cas – que le pouvoir vertical qui a gouverné le pays depuis 1958. Dans les trois années qui viennent, la démocratie française doit se réinventer.

Laurent Joffrin