Les Français juifs face aux Insoumis

par Yoann Taieb |  publié le 28/03/2025

Par des formulations fausses et dépréciatives, voire insultantes, les leaders de la France insoumise tendent à séparer les Français juifs de la communauté nationale.

Rassemblement contre l'antisémitisme à LFI avec une banderole « Ouvrons grand les yeux sur la France Insoumise », à Paris le 25 juillet 2024, au moment des JO. (Photo Claire Serie / Hans Lucas via AFP)

En l’espace d’un mois, deux figures de proue de La France Insoumise ont tenu des propos, non pas maladroits mais insultants, à l’égard des Français de confession juive. Jean-Luc Mélenchon a évoqué la « diaspora juive », tandis qu’Antoine Léaument a parlé des « Juifs de France » (et non des Français juifs).

Ces formulations ne sont pas anodines. Les mots ont un sens et, derrière ces expressions, se dessinent des accusations, à défaut d’être totalement assumées, lourdes :
• Elles suggèrent que les Juifs ne sont pas pleinement français.
• Elles insinuent qu’ils seraient de passage sur le territoire national.
• Elles sous-entendent qu’ils appartiennent nécessairement à Israël.

Ces propos sont inconséquents et inquiétants. La France entretient une histoire ancienne et profonde avec la communauté juive. La Révolution française, dont se revendiquent les Insoumis, a été un tournant historique et inédit puisqu’elle a permis aux Juifs d’accéder au statut de citoyens à part entière. Des figures aussi importantes que le comte de Mirabeau, Clermont-Tonnerre et, surtout, Robespierre ont défendu leur émancipation. Ce dernier ne déclarait-il pas : « Rendons-les au bonheur, à la patrie, à la vertu, en leur rendant la dignité d’hommes et de citoyens ; songeons qu’il ne peut jamais être politique, quoi qu’on dise, de condamner à l’avilissement et à l’oppression une multitude d’hommes qui vivent au milieu de nous. »

Au-delà des débats complexes sur la colonisation française, l’histoire continue au XIXème siècle et témoigne, encore, d’un lien indéfectible entre la France et ses citoyens juifs. En Algérie, c’est l’esprit de 1789 qui a mis fin à la dhimmitude (sujet non-musulman en terre d’Islam et ayant, par conséquent, moins de droits) en accordant la citoyenneté aux Juifs en 1870. Plus tard, c’est la nation entière qui s’est déchirée autour du sort d’un capitaine juif, Dreyfus face à une injustice criante. Durant la Première Guerre mondiale, de nombreux Juifs sont morts au combat pour la France, au point que Maurice Barrès, pourtant antidreyfusard et antisémite, reconnut leur pleine appartenance à la nation.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle affirmait avoir trouvé la « synagogue » à ses côtés à Londres lorsqu’il était seul et que la France libre ne comptait même pas 200 membres à ses débuts, en 1940. Par ailleurs, de nombreux Justes parmi les Français ont bravé les lois de Vichy et de l’occupation allemande pour sauver des Juifs.

En somme, l’histoire de France et celle des Juifs sont intimement liées. Une fidélité réciproque s’est tissée, à travers les épreuves comme dans les moments de grandeur.

Face aux déclarations de Mélenchon et Léaument, comment ne pas comprendre l’indignation des citoyens français juifs, qui ne se considèrent ni comme une diaspora éparpillée au hasard, ni comme juifs avant d’être français ? Ces propos les enferment dans une identité distincte, comme si leur place en France était conditionnelle, comme si leur destin devait les mener, quoi qu’il en soit, vers Israël. C’est non seulement insultant, mais aussi méprisant.

Allons plus loin : c’est le même champ lexical employé par une certaine extrême droite qui ne voit dans les Juifs qu’une entité étrangère au corps de la nation et de la France.

Il est temps de le dire clairement à ceux qui, au sein de La France Insoumise, semblent obsédés par la « question juive » :
• Les Juifs sont Français.
• Les Juifs sont patriotes et profondément attachés à la France.
• Les Juifs prolongent l’héritage des Lumières de 1789 et de la Haskala (« éducation ») de Moses Mendelssohn (philosophe allemand des Lumières qui soutint l’intégration des Juifs à leur environnement européen)
• Les Juifs ont un lien indéfectible avec la France.

Puisque nous sommes une nation une et indivisible, il serait bon de rappeler à Mélenchon et Léaument que nos compatriotes juifs en font pleinement partie, que cela leur plaise ou non. L’histoire commune entre la France et ses citoyens juifs ne s’est pas arrêtée, et elle ne s’arrêtera pas tant que l’esprit de 1789, de la liberté et des Lumières perdurera. A moins qu’il ne soit définitivement éteint chez LFI.

Yoann Taieb