Les gogos du PS
Les socialistes, impressionnés par l’agressivité mélenchonistes, se laissent marcher sur les pieds. Une bonne tactique ?
Il y a un péché originel dans cette aventure du Nouveau Front Populaire, c’est d’avoir laissé Mélenchon, à 20h03 le 7 juillet, au soir des élections législatives, définir les règles du jeu. Pour le « lider minimo », le NFP était majoritaire et devait donc mettre en œuvre « tout son programme et rien que son programme ». Double mensonge : c’est le front républicain qui avait gagné, non le Nouveau Front populaire, arrivé en tête mais minoritaire et, dès lors, incapable par nature d’imposer « tout son programme ».
Un épisode de ce genre avait suscité la polémique lors du vrai Front Populaire, en 1936. Marceau Pivert, un Mélenchon de l’époque (en plus sympathique), socialiste très à gauche, avait écrit un article intitulé « Tout est possible », qui avait fait grand bruit. Il expliquait que la majorité de gauche, appuyée sur le peuple en mouvement, était en mesure de passer directement au socialisme. Comme cette idée ne correspondait ni au programme de la gauche unie, ni à la situation politique (il s’agissait d’occuper le pouvoir pour empêcher les fascistes de le faire et de réaliser quelques réformes d’importance, sans aller plus loin), socialistes et communistes avaient aussitôt répondu que « tout n’était pas possible ».
Que ne l’ont fait les socialistes d’aujourd’hui ! En disant aussitôt la vérité, en corrigeant Mélenchon, en expliquant qu’il faudrait négocier pour gouverner, il se seraient épargné bien des affres. Ils auraient surtout évité d’entretenir des illusions dans l’électorat de gauche.
« Tout est découlé de cette faute initiale : détenant, grâce au mensonge originel, le monopole de la vraie gauche, les Insoumis ont exigé de prendre la direction d’un éventuel gouvernement NFP »
En avalisant cette fiction mélenchoniste, ils ont facilité la tâche des insulteurs de LFI. Ainsi, pour avoir proposé Laurence Tubiana à Matignon, laquelle a signé une tribune de bon sens disant que le NFP ne pouvait pas gouverner tout seul, ils ont été traités par Sophia Chikirou, une proche de Mélenchon, de « punaises de lit », espèce invasive qui revient quand on croit l’avoir éradiquée. Rappelons que le fait de comparer ses adversaires à des insectes nuisibles voués à l’extermination était jusqu’à présent l’apanage les staliniens et des nazis, entre autres criminels contre l’humanité. Qui, au sein de la direction du PS, a vraiment protesté ?
Tout est découlé de cette faute initiale : détenant, grâce au mensonge originel, le monopole de la vraie gauche, les Insoumis ont exigé de prendre la direction d’un éventuel gouvernement NFP. Avec une ouverture d’esprit indiscutable, ils ont dit : « Prenez qui vous voulez, pourvu que ce soit quelqu’un de LFI ». Jusqu’à cette manœuvre ridicule consistant à aller chercher à la Réunion une estimable présidente de région, dont on a découvert rapidement qu’elle était, elle aussi, un soutien de LFI.
Rien n’a avancé, donc. On s’écharpe toujours sur la candidature à Matignon et aussi, en coulisses, sur la candidature au perchoir. Pendant ce temps, Macron ravaude sa toile déchirée en préparant une alliance, officielle ou officieuse, avec la droite de Wauquiez, lequel a déjà avancé l’idée d’un « contrat de législature », formule reprise mot à mot par le président. Une triste conclusion se profile de plus en plus : grâce à l’impéritie des dirigeants de la gauche, Macron et la droite, perdants de l’élection, seront les gagnants de la lutte pour le pouvoir.