Les guerriers secrets de Nelson Mandela

par Thierry Gandillot |  publié le 05/04/2024

Quand l’ANC décidait la lutte armée. Un combat depuis oublié

D.R - Arte

L’ANC a été créée en 1912, et jusqu’en 1961, s’est tenue à la non-violence. Mais les actions de masse pacifiques sont écrasées. En mai 1961, Nelson Mandela acte le changement de stratégie : «  Nombreux sont ceux qui pensent qu’il est inutile et futile de continuer à parler de paix et de non-violence face à un gouvernement dont la seule réponse est d’utiliser de brutalité et de sauvagerie sur un peuple sans défense. Le temps est venu pour nous de se demander à la lumière de notre expérience si les méthodes utilisées jusqu’à présent sont adéquates. »

 Le 16 décembre 1961, la lutte armée est lancée. Vite et fort. Quelques mois plus tard, des pylônes électriques de la banlieue de Durban sautent et la côte du Natal est privée d’électricité. La peur change de camp.

Pendant trente ans des milliers de jeunes Africains, garçons et filles, parfois âgés de 13 ou 15 ans, quittent clandestinement l’Afrique du Sud pour s’entraîner dans les pays limitrophes, mais aussi en Éthiopie, en Algérie, au Maroc, et jusqu’en Union soviétique, à Cuba ou en Chine. Ces adolescents suivent un entraînement rigoureux : maniement de l’AK 47, des explosifs et des armes antiaériennes. Ils s’initient à l’art  du renseignement, de la topographie et de la lecture des étoiles. Les « lundis jazz » de MK sont assez spéciaux :  chants et danses guerrières pendant deux heures autour d’un stade de football. Les « unités de refroidissement » apprennent à conserver un cadavre dans la glace en attendant de l’inhumer.

En 1963, les dirigeants de l’ANC et du MK sont arrêtés. Le mouvement est décapité, l’organisation anéantie. « Ils nous ont fait reculer de 20 ans », déplore l’un des anciens du MK.  Mandela est condamné à la prison à vie. Il faudra les émeutes de Soweto (176 morts) et le boycott des multinationales pour que Prétoria le libère ouvrant la porte aux négociations.

À sa libération, Mandela rend hommage à l’action décisive de MK, puis, rien. Pour ces héros de la liberté, le retour à la vie civile est souvent douloureux, certains sombrent dans l’alcool ou la drogue. L’absence de reconnaissance les mine. « Je voudrais être reconnu comme ancien combattant de MK. Pas pour toucher une retraite, mais pour que mes petits-enfants sachent que la vie qu’il mènent dépend de ce que nous avons fait. »  Le documentaire percutant d’Osvalde Lewat contribuera sans aucun doute à ce combat.

MK, l’armée secrète de Mandela de Osvalde Lewat sur Arte le 9 avril à 23 heures.  

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture