Les mercenaires du foot
Des joueurs surpayés, des transferts à plusieurs centaines de millions d’euros, des clubs qui louent, vendent ou achètent des hommes, la morale au vestiaire, sous le regard bienveillant des supporters pour qui le foot est sacré
Ils avaient de l’or au bout de leurs pieds. À eux trois, Mbappe, Messi et Neymar gagnaient chaque mois 13 millions d’euros pour jouer pour le PSG. À la tête du trio, Kylian Mbappé récoltait à lui seul 6 millions par mois, soit deux mille fois plus que les 3 000 euros mensuels d’un salaire moyen en France.
À 24 ans, le gamin prodige a engrangé 128 millions d’euros pour la saison 2022-23, ce qui en fait le joueur le mieux payé au monde.
Dans le foot, c’est le prix à payer pour que le trio attire les supporters dans les stades, les fasse vibrer devant leurs écrans et déclenche l’achat des innombrables produits dérivés à leur effigie ou portant leur numéro de maillot.
Leur patron, le Qatarien Nasser Al-Khelaïfi leur a donné pour mission de porter le club parisien au sommet. Et surtout d’être les ambassadeurs du Qatar dans le monde. Champion du monde à 19 ans, à la Une du magazine Times à vingt ans, Kylian Mbappé, 4e personnalité préférée des Français, incarne le vecteur sportif idéal de la « celebrity economy », l’équivalent d’une Céline Dion dans la musique ou d’un Brad Pitt dans le cinéma.
Leur aura est telle que personne, parmi les journalistes, si prompts à dénoncer les salaires des patrons, n’ose attaquer l’extravagance de celui de Mbappé.
Dans la presse et dans l’audiovisuel, l’omerta est quasi totale. Seuls quelques rares intellectuels osent dénoncer les dérives de ce système où l’argent est devenu dictateur.
L’histoire bégaie pourtant quand, malgré la fortune déversée, les mercenaires du PSG peinent à répondre aux exigences de leur maître. La saison dernière, le PSG est éliminé dès le huitième de finale de la Ligue des Champions. Un fiasco ! Qui s’ajoute aux déceptions de l’année précédente où l’étoile du trio avait déjà pâli.
Las de jeter l’argent par les fenêtres, le président qatarien s’est emporté : « nous attendons de tous les joueurs qu’ils fassent plus, beaucoup plus ! Ils doivent être à 100 %. Tout le monde devra donner le maximum. Sinon, ils devront partir. Il y aura des ventes ».
Un an plus tard, c’est la débandade. Sanctionné pour s’être rendu contre paiement en Arabie Saoudite pour faire la pub du tourisme local, Lionel Messi a pris les devants et a choisi de rejoindre l’Inter Miami en Floride dont la star David Beckam est actionnaire. Un modeste contrat de 2,5 milliards de dollars sur dix ans que le joueur argentin, prévoyant, a préférés aux 400 millions par an que lui offrait un club saoudien.
Le dernier du trio, fragilisé, car il enchaîne les blessures, Neymar ne se remet pas de s’être fait copieusement insulter devant chez lui par les ultras du PSG sous les cris de « Neymar, casse-toi ! » Supporter fervent du président populiste Bolsonaro lui-même battu aux élections, le brésilien en est réduit à rechercher un club suffisamment fortuné pour le racheter.
Quant à Kylian Mbappé, le voilà en guerre contre son employeur et en partance pour le Real de Madrid – là ou ailleurs…- en décidant de ne pas activer son option de prolongation d’une année supplémentaire au sein du PSG jusqu’en 2025, il s’est mis sur le marché. Lui aussi ira au plus offrant.
Voilà donc notre star du foot, modèle pour nos jeunes des banlieues, devenu une précieuse, mais simple monnaie d’échange. Espérons qu’il ne finira pas comme son aîné Karim Benzema qui vient de rejoindre le club Al-Ittihad en Arabie Saoudite.
En plus du tourisme local, le foot a pour mission là-bas de redorer une réputation internationale plombée par le non-respect du droit des femmes et des immigrés et par l’assassinat sauvage d’un journaliste opposant au régime.
À coups de pétrodollars, Ryad se livre à une razzia de joueurs vieillissants en quête d’un dernier pactole pour leur retraite, inutile de leur parler de morale ou de droits de l’homme.
Ils s’appellent Benzema, N’Golo Kanté, Edouard Mendy, Roberto Fimino, ou Kalidou Koulibaly. Ceux dont les jeunes supporters – amoureux désargentés, mais sincères du football – s’arrachent les maillots numérotés.