Les mots de la guerre civile
La violence qui s’est emparée du débat public préfigure une démocratie malade
« À bas la mauvaise République », crie Jean-Luc Mélenchon devant ses partisans et, pour se faire mieux comprendre, parlant d’Emmanuel Macron : « Le 14 juillet, nous lui apprendrons la signification du mot insurrection ». À quand la prise de l’Élysée ?
Le président avait répondu par avance : « Nous n’acceptons ni les factions ni les factieux ». Ainsi va le débat public dans cette démocratie censément pacifique qui s’habitue, tel le roi Mithridate, à boire à petites gorgées le poison de l’outrance verbale et de la guerre civile froide.
On peut s’alarmer, s’inquiéter, se rappeler la réplique dite par Michel Simon dans Drôle de Drame : « À force de parler de choses horribles, elles finissent par arriver ». Vaines indignations : tout cela n’a rien de spontané ni d’improvisé. Nul dérapage dans ces discours à la fois violents et factices.
Mélenchon a théorisé la « conflictualité » qui lui permet d’occuper la scène médiatique et de réduire au silence, ou au murmure, le reste de la gauche, qui végète dès lors dans une inaudible modération.
Entretenant ce duel de théâtre, Macron se frotte les mains en voyant confirmé chaque jour son théorème : tant que l’opposition reste dans l’emphase et la démesure, tout ira bien. Il garde son socle politique en dépit de son impopularité ; au dernier moment, les électeurs rationnels, rebutés par ces diatribes, se rangeront derrière le drapeau du centre droit pour fournir une majorité à lui ou à ses successeurs.
Le Rassemblement national l’a bien compris, qui se fait tout miel au milieu de la cacophonie et engrange les électeurs. Le cirque Macron-Mélenchon est en représentation. Dans ce vacarme, il n’y a plus d’opposition crédible susceptible de fournir une alternative. Brutalisée, la démocratie française n’offre plus au peuple qu’un choix forcé : le centre de plus en plus affaibli, ou l’extrême-droite faussement assagie. Danger…