Lutte contre le narcotrafic : l’efficacité italienne

par Marcelle Padovani |  publié le 21/03/2025

Après avoir visité le 3 février la prison blindée de Rebibbia en Italie, Gérald Darmanin a muri son actuel projet de durcissement carcéral. La France va-t-elle s’inspirer de ce modèle ?

Gérald Darmanin lors du débat sur la loi contre le narcotrafic à l'Assemblée Nationale, le 17 mars 2025. (Photo de Bertrand Guay / AFP)

Lors de sa visite romaine du mois dernier, le ministre de la Justice s’est entretenu pendant plus de deux heures avec le Procureur National Antimafia, Giovanni Mellilo. Celui-ci a largement eu le temps de le convaincre des vertus de l’arsenal italien contre le crime organisé, capable de décourager aussi bien les mafias de Cosa Nostra, de la Camorra et de la ‘Ndrangheta, que toutes les  formes de terrorismes grâce à un appareil législatif original et à des méthodes de détention sévères. 

Commençons par la détention et donc par la prisson-bunker de Rebibbia au nord-est de Rome. Cinquante criminels y sont détenus au nom de la loi « 41 bis » qui permet de condamner un prévenu même s’il n’a commis aucun délit, pour le simple fait d’être membre d’une association criminelle. 

Voici les grandes lignes : vie solitaire dans une chambre individuelle, deux heures de promenade maximum par jour, un entretien par mois avec un membre de la famille, toujours derrière une paroi vitrée, surveillance assurée par des gardiens spécialisés qui ne restent jamais plus de six mois dans la même prison, afin d’éviter toute familiarité. Les détenus, ainsi coupés du monde extérieur, se sentent poussés au « repentir ». Cette collaboration avec la magistrature a fait ses preuves pour les enquêtes. Du côté des détenus, elle permet, en échange de quelques confessions, d’obtenir de meilleures conditions de détention voire la liberté provisoire. Au nom cette fois de la loi « 416 bis ».

La « 41 bis » et la « 416 bis », sont donc les pierres angulaires d’une robuste organisation anti mafia (avec des effets qui se répercutent directement contre le trafic de drogue). Ces idées semblent avoir séduit Gérald Darmanin. Ces lois avaient été autrefois ardemment défendues par le magistrat Giovanni Falcone, avant son assassinat par la mafia le 23 mai 1992. 

On compte aujourd’hui en Italie 1 077 « repentis » (964 hommes et 43 femmes), qui, grâce à leurs confessions, partielles ou totales, sincères ou calculées, ont permis une certaine victoire sur les organisations criminelles. Ils ont changé d’identité et de zone de résidence, ils perçoivent un salaire, bénéficient d’un logement gratuit et du remboursement de leurs frais médicaux. Ils peuvent aussi se vanter d’avoir garanti l’efficacité de la répression et l’assainissement de la vie économique et sociale du pays.

Frappé par ces lois efficaces, et par la sécurité immédiatement visible des lieux de détention, le ministre Darmanin est tenté de voir dans l’expérience italienne un « modèle ». Il n’est pas le seul. La plupart des magistratures des pays occidentaux louent elles aussi cette expérience. Mais elles rencontrent d’incroyables difficultés à faire passer auprès des politiques comme de l’opinion, la nécessité d’une sévérité extrême des lieux et aussi les « cadeaux » faits à ces « mouchards » patentés baptisés aujourd’hui « repentis ».  

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome