Les sociaux-démocrates en force

par Valérie Lecasble |  publié le 30/08/2024

Le Nouveau Front Populaire persiste à soutenir Lucie Castets mais, les deux courants oppositionnels du Parti Socialiste veulent un autre premier ministre issu de la gauche

Les tensions refont surface au sein du Parti socialiste, qui entame ses journées d'été à Blois le 29 août 2024 en se déchirant sur sa stratégie à l'égard du président de la République française - Photo Guillaume Souvant / AFP

La fête aurait dû être belle et les militants joyeux. Avec le joli score de 13,7 % obtenu aux élections européennes et les 3 000 adhérents supplémentaires récoltés depuis la dissolution, le Parti Socialiste avait de quoi se réjouir de ses universités d’été où les gradins des amphithéâtres étaient remplis et les jeunes enfin de retour. Un renouveau après les années noires consécutives au score de 1,7 % à l’élection présidentielle de 2022.

Les retrouvailles ont été spectaculairement bousculées par les hésitations d’Emmanuel Macron à nommer un Premier ministre. À Blois, la fracture est apparue béante entre ceux menés par le Premier Secrétaire Olivier Faure qui campent sur la position du Nouveau Front Populaire en faveur de Lucie Castets : « sa force est d’avoir été choisie par une coalition qui la soutient »  et ceux qui revendiquent au contraire par la voix d’Hélène Geoffroy : « il faut nommer un Premier ministre socialiste, nous ne pouvons pas rester en retrait. La logique est un gouvernement de cohabitation. Nous sommes les seuls, les socialistes, capables d’éviter une motion de censure ».

La bataille est montée en puissance par médias interposés à la manière de la série « Succession » qui relate la guerre fratricide qui a déchiré la famille Murdoch. La première photo a fait figurer autour de Lucie Castets les leaders du NFP qui la soutiennent, tels Olivier Faure, Marine Tondelier, Clémentine Autain ou Alexis Corbière.

La deuxième, plus inattendue a réuni « contre le bruit et la fureur » avec Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, les sociaux-démocrates Carole Delga, Karim Bouamrane, Stéphane Le Foll, Mathieu Delafosse, Lamia El Aaraje, Jean-Christophe Cambadélis, Patrick Kanner, Marie-Arlette Carlotti pour citer les principaux.

Cette démonstration de force contre « la discorde et le chaos » vise à intensifier la pression sur Olivier Faure, et à empêcher le PS de déposer une motion de censure de principe contre tout autre que Lucie Castets, à condition que l’impétrant vienne de la gauche.

De l’issue de cette passe d’armes dépend la ligne du Parti Socialiste. Restera-t-il cramponné avec Olivier Faure à son alliance avec LFI autour du nom de Lucie Castets ? Ou bien basculera-t-il vers la « convergence majoritaire » avec la fusion des courants d’Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol car, disent ces derniers, « nous sommes un parti de gouvernement qui peut apporter la stabilité au pays. Nous ne sommes le supplétif de personne, juste de gauche et socialistes, entre Mélenchon et Macron ».

Que feront les parlementaires ? Proche d’Olivier Faure, Boris Vallaud qui préside le groupe PS à l’Assemblée nationale est convaincu que si LFI, les Verts et le PC choisissent la censure, lui solliciterait le vote de ses 66 députés socialistes et apparentés afin d’appliquer leur avis majoritaire. Patrick Kanner qui préside le groupe socialiste au Sénat, donne la clé : « ce n’est pas en fonction de la personne, mais du programme que nous déciderons si nous censurons ou pas ».

Les points durs sont clairs : le pouvoir d’achat avec la hausse du Smic et l’ouverture d’une grande conférence salariale ; l’abrogation de la réforme de la retraite à 64 ans ; le soutien aux services publics ; l’accélération de la transition écologique. La facture, estimée entre 30 et 40 milliards d’euros, serait payée par une « fiscalité plus juste », constituée d’une taxe sur les superprofits des entreprises, l’augmentation des impôts pour les tranches supérieures, dont l’ISF et la suppression de la flat tax.

Voici donc la feuille de route d’un Bernard Cazeneuve toute tracée. Pour obtenir l’adhésion de ses anciens collègues du Parti socialiste qu’il a quitté lors de la constitution de la Nupes, il lui faudrait gouverner sous la forme d’une véritable cohabitation sans être inféodé à Emmanuel Macron, mais en fixant lui-même le cap à partir du programme qui émanerait en partie du NFP afin qu’il devienne très compliqué pour le PS de le censurer ?

Homme d’État compétent, issu de la gauche et respecté de la droite, Bernard Cazeneuve paraît le mieux placé pour y parvenir. « N’empêche qu’Emmanuel Macron a plongé la France dans une situation économique dramatique, et c’est à la gauche qu’il va demander de faire le sale boulot pour redresser les finances du pays. Que diront les Français ? », s’inquiète un sénateur socialiste.Entre la rigidité d’un Bernard Cazeneuve et l’égotisme d’un Emmanuel Macron, le terrain d’entente risque d’être compliqué à trouver.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique