Les yeux de Mona

par Laurent Perpère |  publié le 10/02/2024

Best-seller annoncé traduit dans plus de vingt pays avant même sa parution en France, Les yeux de Mona, se présente comme « une initiation à la beauté et à la vie en 52 chefs-d’oeuvre »

L’argument est simple. Mona, 10 ans, souffre d’une soudaine et inexpliquée maladie de la vision qui risque de la laisser aveugle dans l’année. Son grand-père, amateur d’art érudit, entreprend de lui montrer et de lui expliquer chaque semaine une œuvre picturale majeure dans les trois grands musées parisiens, le Louvre, Orsay et Beaubourg. Il espère ainsi que même dans la cécité, elle gardera en elle les couleurs de la vie à travers le souvenir de ce que l’art a pu produire de plus beau. Et ce parcours à travers l’histoire de l’art est aussi un roman de formation, par les leçons de vie que dispense chaque œuvre.

Il y a donc deux livres en un, la matière romanesque étant prétexte à un parcours d’historien de l’art, de Boticcelli à Soulages. Soit. Il existe une sorte de genre littéraire, allant de Hugo à Jean-Pierre Vernant, sur l’art d’être grand-père et de transmettre sagesse et culture.

La partie romanesque est décevante.

Tout le monde est merveilleux, et surtout, bien évidemment le couple que forment grand-père et petite-fille. Parfaits tous deux en tout… les parents sont bourrés de défauts et de qualités, comme il convient, mais la rédemption leur vient de leur fille. Comme il se doit, tout est bien qui finit bien, avec l’invraisemblable guérison.

Cela fait un peu roman de gare. Il est vrai qu’il y a un large public pour cela.

L’autre livre est un cycle de 52 leçons sur l’histoire de la peinture (incluant cependant deux sculptures et trois installations) occidentale.  Et là, on se dit qu’après tout, Schlesser a eu raison. Comment attirer un lecteur sur un tel programme sans une intrigue romanesque facile ?

On peut forcément discuter du choix des œuvres. Il fait une large part à l’esprit du temps en faisant bonne et juste place, au sein des incontournables, aux oubliés ou négligés, œuvres et artistes (avec évidemment une large part faite aux femmes).

 Mais il est cohérent, didactique, et les commentaires sont de bonne qualité pour une découverte de chaque tableau ou sculpture. Sans doute un peu scolaire avec le triptyque description (exercice de style impossible), contexte et leçon (qui est aussi précepte de vie). Après tout, Mona n’a que 10 ans. L’ensemble est efficace.

Au fond, on doit remercier Thomas Schlesser de son ambition et le féliciter de tenir la gageure de rendre l’histoire de l’art accessible à tous, sous une forme plaisante. De parler d’œuvres difficiles en termes toujours compréhensibles, de préciser des concepts, de dégager des perspectives intéressantes. En bref, de faire descendre la culture des cimaises où certains souhaiteraient qu’elle se cantonne.

Quelles que soient les réserves, et on est en droit d’en avoir, on doit souhaiter qu’il connaisse un très grand succès.

Car, à la vérité, Les yeux de Mona donnent envie d’aller au musée, de voir ou revoir les 52 œuvres décrites et mieux encore de jeter le regard de Mona sur leurs voisines.

Bien joué!

Laurent Perpère

chronique livre et culture