LFI-RN, même combat
Pour draguer les classes populaires, LFI et le RN soutiennent des mesures identiques. Exemple : la pérennisation de l’imposition des hauts revenus.
C’est l’histoire d’un amendement apparemment remporté par la gauche avec le soutien du Modem. Alors qu’en fait… Dans la nuit de mardi à mercredi, le député socialiste Philippe Brun, fait voter la pérennisation de l’imposition minimum à 20 % des très hauts revenus portée par le Nouveau Front Populaire, avec l’assentiment du Modem. En clair, le prélèvement ne sera plus temporaire, mais prolongé ad vitam aeternam.
Avec 138 voix pour la pérennisation et seulement 56 voix contre, l’amendement passe haut la main. Éric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances, croit ainsi démontrer que, texte après texte, le NFP peut réunir une majorité à l’Assemblée nationale. Mais à y regarder de plus près, de quelle majorité parle-t-on ? Déjà, le Modem a passé une alliance contre-nature avec le NFP, et s’est démarqué du socle commun censé soutenir la politique de Michel Barnier.
Mais c’est surtout la position du Rassemblement National qui surprend. Seulement 66 députés RN sont présents ce soir-là dans l’Hémicycle, même pas la moitié du groupe. Pour une bonne raison : le RN a décidé de s’abstenir. Le parti de Marine Le Pen ne veut pas aller jusqu’à voter l’amendement proposé par son adversaire du NFP mais, en s’abstenant, il va lui permettre de le faire adopter. En fait, les lepénistes soutiennent l’imposition minimum de 20% sur les hauts revenus. Et in fine, c’est l’amendement du NFP qui est intégré dans le texte, avec le soutien du RN.
Ainsi, au-delà d’une opposition radicale sur d’autres sujets, gauche et extrême-droite se rejoignent sur certaines mesures fiscales ou sociales. L’objectif affiché est le même : préserver le pouvoir d’achat des personnes les plus fragiles en taxant les revenus des plus riches pour combler les déficits. Les deux camps évitent de le dire et font semblant de demeurer des adversaires politiques irréductibles. Mais ils convergent dans la même volonté de séduire l’électorat populaire.
Perdus depuis longtemps par la gauche, les ouvriers et les employés ont rejoint dans un mouvement de colère le Rassemblement National qui a adapté son programme économique pour conserver ce précieux électorat. Défense du pouvoir d’achat, protection des retraités et en particulier de ceux qui touchent les plus petites pensions, taxation des plus riches, les thèmes se rejoignent pour cibler les classes populaires et leurs millions de voix que le RN fait tout pour conserver et que la gauche veut reconquérir.
Du coup, entre l’émiettement du « socle commun » et ce qui ressemble fort à une alliance de circonstance entre LFI et le RN, la position du gouvernement est de plus en plus fragile. Michel Barnier n’a pas tardé à réagir. Il a sollicité en conseil des ministres la possibilité d’utiliser l’article 49-3 pour faire adopter son budget initial quand il le décidera et en acceptant les amendements qu’il choisira. Officiellement, le Premier ministre veut toujours « laisser toute sa place au débat, dans le respect du Parlement », assure Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement. Mais ces bonnes paroles ne trompent personne : il a suffi de 48 heures de discussion pour que les oppositions se coalisent et que le Premier ministre soit contraint d’envisager la manière forte.