L’huile LFI sur le feu

par Laurent Joffrin |  publié le 30/06/2023

Sous les injonctions de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise refuse d’appeler au calme et justifie les violences

Le leader de la France insoumise- Jean-Luc Melenchon - Photo Christophe ARCHAMBAULT / AFP

« La fin justifie les moyens ». Pressée par Myriam Encaoua sur LCP, Alma Dufour, députée de LFI, interrogée sur les émeutes qui secouent le pays, mange le morceau. Oui, les violences urbaines des dernières nuits, explique-t-elle, sont légitimes pour obtenir une révision des règles de la légitime défense qui s’appliquent aux policiers et pour « refonder » la police nationale : « la fin justifie les moyens ».

Outre qu’elle emploie l’un des adages les plus sinistres de l’histoire, qui a justifié les pires massacres (mais passons…), Alma Dufour exprime crûment ce qu’est la stratégie politique de LFI depuis le début de cette crise : refus d’appeler au calme, attribution des violences au déploiement des forces de l’ordre, dénonciation globale et indistincte de la police, silence sur les exactions des émeutiers, qui sont justifiées par la situation ? Y compris, donc, les attaques au mortier contre les fonctionnaires de police, les incendies d’écoles ou de mairies, ou les pillages de magasins.

Gagnée aux concepts américains de « racisme systémique » ou de « racisme d’État » – alors que la motivation raciste de la mort de Nahel M. n’est en rien avérée – reprenant les slogans du mouvement « Black Lives Matter », la France insoumise plaque sur la situation nationale les analyses des activistes aux États-Unis.

Un seul chiffre montre l’outrance de la comparaison : en 2022, 44 personnes ont été tuées en France à la suite d’une opération policière (chiffre inquiétant) ; aux États-Unis : 1176 ! Soit, pour une population six fois supérieure, un nombre de morts multiplié par trente.

On sait que les méthodes de la police française appellent des réformes, que les règles de légitime défense méritent examen, que le racisme existe dans les rangs des effectifs policiers. On sait aussi que la situation des jeunes des cités découle d’une grave injustice sociale, que l’action des pouvoirs publics en faveur des quartiers populaires est insuffisante.

Mais l’assimiler à la fracture raciale américaine découle d’une exagération grossière et mensongère. D’autant que les habitants de cités, souvent issus eux-mêmes de l’immigration, réprouvent dans leur grande majorité les violences émeutières de ces derniers jours et souhaitent de toute évidence le retour au calme et que tous les maires, tous les élus responsables, appellent à l’apaisement.

Croit-on, de plus, que la prolongation des émeutes urbaines mènera à la réforme souhaitée ? Que les courants les plus répressifs n’en profiteront pas pour pousser leurs pions auprès d’une population désireuse d’ordre et de tranquillité ?

Les violences urbaines, il faut au contraire le craindre, favorisent l’entreprise du Rassemblement national. Elles se retourneront contre les jeunes des quartiers, qui seront désignés comme des « séparatistes », soumis à une surveillance policière accrue, stigmatisés dans leur ensemble, qu’ils soient ou non pacifiques, comme des fauteurs de troubles.

Peu importe à la France insoumise : il s’agit, selon les théories « agonistiques » prônées par ses maîtres à penser, de court-circuiter les procédures démocratiques, d’accentuer les crises, de jouer la déstabilisation du pouvoir en place, comme lors des crises précédentes, celle des gilets jaunes ou des retraites, pour jouer la rue contre les institutions, de faire du débat public et du Parlement une simple chambre d’écho de l’activisme.

Dans les circonstances présentes, alors que la France se retrouve face à la pire crise urbaine qu’elle ait connu depuis vingt ans, qu’elle court chaque nuit le risque de voir ces violences devenir mortelles, cette attitude ne mérite qu’un qualificatif : irresponsable.

PS –  Depuis vendredi, jour de parution de cet article, la position de la France insoumise a soudain changé. S’apercevant que son refus de condamner les violences commençait à lui nuire sérieusement, Jean-Luc Mélenchon a tourné casaque : « Jamais les insoumis n’ont été pour la violence », a-t-il dit, pour exhorter ensuite les plus jeunes à respecter les bâtiments ou les symboles des services publics. Ainsi, contrairement à ce que disait madame Dufour, la fin de justifie plus les moyens : on est heureux de l’apprendre ; ce qui était vrai jeudi ne l’est plus vendredi… Mais quand on renie ce qu’on a dit la veille en prétendant qu’on ne l’a jamais dit, on achève de perdre son crédit.

Laurent Joffrin