L’hypothèse droite

par Laurent Joffrin |  publié le 12/07/2024

Plus le temps passe, plus l’alliance entre centre et droite risque de s’imposer. C’est le vœu de Macron et le choix implicite de LFI…

Laurent Joffrin- Photo JOEL SAGET / AFP

Chaque jour, les palinodies de la gauche l’éloignent du pouvoir. Chaque jour, l’hypothèse d’un gouvernement de la droite et du centre prend de la consistance. On en connaît le scénario : le 18 juillet, jour de la mise en place de la nouvelle assemblée, la droite et le centre présentent une candidature commune au perchoir. La somme de ces deux forces surpassant celle de la gauche, elle ou il est élu. Constatant l’émergence d’une majorité relative, Emmanuel Macron presse cette coalition de se mettre d’accord sur un Premier ministre et sur un programme, tandis que Gabriel Attal expédie les affaires courantes. Laurent Wauquiez a dit qu’il ne voulait pas de coalition ? Certes, mais il a proposé l’idée d’un « contrat de gouvernement ». Avec qui, sinon les macronistes ?

Une fois ce contrat établi, le nouveau gouvernement se présente devant l’Assemblée. Pour le renverser, il faut que la gauche et le Rassemblement national votent la même motion de censure. C’est possible sur le papier, mais très incertain en fait : le RN ne voudra pas forcément apparaître comme une force de blocage ; s’il renverse cette équipe-là après avoir récusé le Nouveau Front Populaire, il apparaîtra comme le responsable de la paralysie de l’Assemblée. Mauvais rôle.

Dès lors, le nouveau gouvernement, porteur d’une politique macronoïde « droitisée », ou d’une politique de droite macronisée, présentera des projets qu’il espérera faire voter alternativement par une fraction de l’opposition, ou bien imposer par l’usage de l’article 49-3. Un peu de social, auquel la gauche aura du mal à s’opposer, du « régalien » que le RN pourra difficilement refuser.

« L’intransigeance de Jean-Luc Mélenchon empêche tout solution de centre-gauche et ouvre la voie à un gouvernement où le plus petit des partis, la droite républicaine, exercerait la plus grande influence »

Certes l’opposition pourra à chaque instant mettre fin à l’expérience en votant une motion de censure commune. Mais pour quoi faire, puisqu’elle est bien incapable de proposer une autre majorité viable ? Quant aux « casseurs d’assiette » de LFI et du RN, peut-être tentés par une crise de régime, ils ne peuvent à eux seuls réunir une majorité pour censurer l’équipe en place. La droite et les centristes occuperont donc le pouvoir, arguant de leur esprit de responsabilité, en attendant la prochaine échéance – des législatives ou bien une présidentielle – pour laquelle chacun aura le loisir de se préparer.

On dira que c’est à ce stade pure spéculation et on aura raison. Mais un seul scénario peut empêcher cela : une alliance entre la gauche et le centre. Il faudrait pour cela que les mélenchonistes l’acceptent ou que la gauche réformiste rompe avec LFI, alors même que ses députés dépendent des électeur LFI pour se faire réélire. Si tant est que l’addition de cette gauche « raisonnable » avec les macronistes puisse constituer une majorité relative suffisante.

Or Olivier Faure a déjà écarté toute tentation de ce genre. C’est ainsi que l’intransigeance de Jean-Luc Mélenchon, sa folle prétention à vouloir appliquer tout son programme, empêche tout solution de centre-gauche et ouvre la voie à un gouvernement où le plus petit des partis, la droite républicaine, exercerait la plus grande influence. Plutôt la droite qu’une coalition réformiste, c’est le choix de LFI. Tout ou rien : la gauche n’aura donc rien.

Laurent Joffrin