Libérer Watson ? Élémentaire !

par Laurent Joffrin |  publié le 18/10/2024

Le défenseur des baleines est détenu au Groenland sur la base d’une accusation ancienne et fort douteuse. La France serait bien inspirée de lui accorder l’asile politique.

L'activiste, défenseur des baleines, Paul Watson arrive pour une audience judiciaire à Nuuk, au Groenland, le 2 octobre 2024. (Photo Leiff Josefsen / AFP)

Capitaine valeureux, Paul Watson est souvent présenté comme un pirate de l’écologie militante. Erreur : c’est un corsaire. On connaît la nuance qui sépare ces deux notions. Le pirate attaque les navires par esprit de lucre ; le corsaire pour défendre la cause d’une nation. Or Watson ne cherche aucun profit : il veut seulement défendre les baleines, espèce à la fois pacifique et menacée. Watson est un corsaire de la planète.

C’est un fait que son ONG, qui affrète des bateaux pour se mettre en travers des agissements des tueurs de cétacés, recourt à des méthodes un peu expéditives. Les actions d’interposition qu’il conduit ont parfois abouti à des collisions ; il a même coulé deux baleiniers vides dans un port nippon. Mais ce sont là exemples isolés et extrêmes. Le reste du temps, il se contente d’entraver la pêche en s’interposant entre les baleiniers et leur proie. Autrement, dit, pas besoin d’être Sherlock Holmes pour comprendre que ce Watson joue un rôle précieux et inoffensif : il n’a jamais tué ou blessé quiconque et ceux auxquels il s’attaque – les Japonais notamment – sont des massacreurs de baleines usant de mastodontes flottants armés de canons à harpons, en contravention avec toutes les conventions internationales.

Furieux de ces actions qui entravent la pêche commerciale, les autorités japonaises, qui qualifient Watson « d’écoterroriste », ont fait édicter contre lui une « note rouge » d’Interpol qui a abouti à son emprisonnement au Groenland où il se ravitaillait en carburant sur un de ses bateaux. Il est accusé de violence et de blessures causées à des marins par un engin diffusant un gaz acide. Ses défenseurs font néanmoins valoir qu’en fait de violence, c’est un navire japonais qui a éperonné un des esquifs de son ONG Sea Shepherd et que l’engin incriminé était une sorte de grosse boule puante qui avait pour seul inconvénient de répandre sur le baleinier visé une odeur pestilentielle. Une vidéo montre de surcroît que c’est un gaz lacrymogène diffusé par les marins japonais qui les a incommodés. « Les Japonais ont fabriqué des faits pour accuser Paul. C’est très grossier. C’est de la vengeance, pas de la justice ! », accuse Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France.

Chassés depuis toujours pour de la viande ou pour de l’huile, les cétacés étaient menacés de disparition par l’industrialisation de la pêche. En 1986, tous les pays raisonnables ont alors établi une convention internationale qui a permis de préserver la ressource et de sauver ainsi ces mammifères qui figurent parmi les plus placides et les plus majestueux du règne animal. Tous, sauf le Japon (avec la Norvège et l’Islande) qui ne cesse de renforcer et de moderniser sa flotte de pêche, mettant en danger plusieurs espèces de baleines.

Selon Sea Shepherd, les autorités japonaises poursuivent Watson de leur vindicte pour avoir mis en lumière leurs agissement nuisibles. Pour son défenseur François Zimeray, cité par Le Monde, son extradition au Japon risque de conduire à un emprisonnement de longue durée, parfaitement injuste. « Le Japon est l’antithèse du Danemark, dit-il : le droit à un procès équitable n’est pas respecté, les droits de la défense et la présomption d’innocence sont régulièrement bafoués et les prisons sont indignes d’un pays moderne. »

Le corsaire a demandé à la France un asile politique, geste purement symbolique, mais qui aurait son poids dans la bataille auprès de l’opinion. Que dire, sinon que cette mesure est désormais urgente, et que la liberté de ce militant du vivant qui a dédié sa vie à la préservation d’une espèce noble et admirée par tous les amis de la nature, est une cause juste que la France s’honorerait d’épouser plus qu’en paroles.

Laurent Joffrin