Lincoln, réveille-toi ! Ils sont devenus fous…

par Valérie Lecasble |  publié le 25/04/2023

13 États américains ont déjà totalement interdit l’avortement de manière drastique. Et l’épidémie réactionnaire gagne…

Photo Andrew Caballero-Reynolds / AFP

Qu’ont-ils fait de « notre » Amérique ? Celle de l’été 1967 quand 100 000 jeunes avaient afflué à San Francisco pour partager leur amour libre. La révolution hippie y prend sa source pour accompagner le Women’s Liberation qui prône l’amour pour le plaisir et non plus pour la procréation.
Sur le rythme des Rolling Stones, des Beatles ou des Doors, le mouvement s’amplifie : en 1973, l’arrêt Roe v. Wade de la Cour Suprême des États-Unis consacre le droit des femmes en inscrivant dans la Constitution fédérale leur droit privé et individuel à l’avortement.

Cinquante années plus tard, en juin 2022, la même Cour Suprême devenue, avec les nominations de Donald Trump, majoritairement conservatrice, abroge cet arrêt. Et décrète sous le nom de Dobbs v. Jackson qu’il reviendra désormais aux États de décider au cas par cas s’ils souhaitent ou non autoriser l’avortement.

Le poison s’est répandu comme une traînée de poudre. En seulement dix mois, 13 États ont déjà totalement interdit l’avortement sans aucune exception ni pour viol ni pour inceste. Majoritairement bien sûr dans le Sud chez les plus conservateurs : Alabama, Arkansas, Idaho, Kentucky, Louisiane, Mississippi, Missouri, Oklahoma, Tennessee, Texas, Virginie-Occidentale. Mais pas seulement.

Après le Wisconsin, deux États situés dans le nord viennent de les rejoindre : le Dakota du Sud puis du Nord.
Le président nordiste Abraham Lincoln avait mis quatre ans pour réunir l’Amérique à l’issue d’une sanglante guerre de Sécession. Aujourd’hui, c’est la guerre des sexes qui scissionne l’Amérique : la morale s’est emparée de la vertu.

En Oklahoma et au Texas, un simple citoyen peut désormais lancer des poursuites à l’encontre de femmes soupçonnées d’avoir avorté. En Alabama, un médecin ayant pratiqué l’avortement encourt jusqu’à 99 ans de prison.

Bafouer les droits des femmes est devenu un sport national dans un pays où il ne reste plus que 27 États où l’interruption volontaire de grossesse reste légale comme en Californie et dans le Colorado où le droit à avorter a dû être inscrit pour plus de sécurité dans la Constitution de l’État.
Entre l’interdiction absolue de l’Alabama et la légalité de la Californie, certains États font de la résistance et tentent de préserver leurs droits : en Indiana, Iowa, Montana, Ohio Wyoming, Arizona, c’est la justice qui a bloqué les tentatives d’interdire l’avortement.

Combien de temps vont-ils tenir avant que la vague du conservatisme ne les emporte ? Un sujet prioritaire pour le démocrate Joe Biden qui vient d’annoncer vouloir briguer un deuxième mandat.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique