L’inévitable compromis
Contrairement à ce que certains d’entre eux annoncent, les leaders de la gauche devront en rabattre sur leur programme pour arriver au pouvoir et y rester.
Tel le dinosaure à qui on marche sur la queue et qui s’en aperçoit un long moment plus tard, les chefs politiques commencent seulement à percevoir les nouvelles réalités politiques nées de l’élection. Les macronistes rêvaient tout haut de constituer une nouvelle majorité autour d’eux. Ils vont sans doute constater bientôt, avec 24 heures de retard, qu’ils ont été battus dans ce scrutin et qu’ils ne sont pas en position de rester au pouvoir.
C’est la gauche qui constitue la première force de ce nouveau Parlement : la tradition républicaine veut que le futur Premier ministre (ou la Première), soit issu de ses rangs. Mais elle comprend petit à petit, avec 24 heures de retard, qu’il faut une majorité pour gouverner. Certains disent : elle ne l’a pas, elle ne peut donc former une équipe. Erreur, encore. Comme le rappelle l’excellent Jean-Philippe Derosier, constitutionaliste, ce n’est pas au gouvernement de démontrer qu’il est majoritaire, c’est à l’opposition de voter une motion de censure qui le renversera. Autrement dit, si la gauche propose un Premier ministre qui ne braque pas l’opposition, ou pas tout de suite, elle peut commencer à gouverner. L’heure de vérité arrivera quand elle voudra faire voter une loi qui suscitera l’opposition d’une majorité de députés.
Parler, négocier et concéder
C’est pourquoi, toujours avec 24 heures de retard, cette gauche découvrira ce que nous écrivons ici depuis dimanche : il serait peut-être judicieux, avant de se lancer, de tâter le terrain auprès de ceux qui seraient susceptibles de discuter avec elle de projets concrets et, éventuellement, de les voter. Ce qui veut dire qu’il est évidemment impossible, à l’inverse de ce qu’a dit Jean-Luc Mélenchon, d’appliquer « tout le programme » du Nouveau Front Populaire. Il faudra parler, négocier et même – horresco referens – faire des concessions. Autrement dit, sinon constituer une coalition stable, du moins en former plusieurs, au coup par coup, selon les projets, de manière à rester en place et à agir.
Bien sûr, tout cela pourra voler en éclats à tout moment si les désaccords s’avèrent insurmontables. Mais dans ce cas, on ouvrira une nouvelle crise, comme si les Français n’en n’avaient pas soupé, justement, des crises politiques à répétition. Sachant que ce désordre aura un coût : valoriser, par contraste, le seul parti vers lequel on ne se tournera pas pour gouverner, le Rassemblement national en embuscade, qui espère voir « le système » s’enfoncer dans le désordre et la confusion, pour rafler la mise à la présidentielle.