Livres de l’été: « Qui a tué Spinoza ? »

par Bernard Attali |  publié le 19/08/2023

Incisif et haletant, ce thriller philosophique et historique de Jean-François Bensahel nous fait marcher dans les traces de Spinoza, à travers les complots et les mystères d’une Europe à feu et à sang, où les querelles d’idées sont souvent les plus meurtrières

Quand, en1632, naît Baruch Spinoza à Amsterdam, la guerre de Trente Ans ravage le vieux continent sur fond d’affrontements entre catholiques et protestants.

Lorsqu’il s’éteint à 44 ans, il laisse derrière lui une œuvre révolutionnaire, mais aussi des énigmes. Le jour de sa mort, des lettres et des manuscrits inédits ont disparu de son secrétaire. Disparition suspecte ? Catholiques, protestants, monarchistes, juifs, adversaires théoriques, Français, Hollandais, les ennemis du philosophe ne manquaient pas.

« Qui a tué Spinoza ? » nous plonge dans la Hollande du XVIIe siècle, carrefour de tous les savoirs et du commerce où les idées prolifèrent autant que les anathèmes et les complots. L’auteur de ce livre brillant tente de comprendre pourquoi le philosophe dérangeait tant et qui se sentait menacé par ses idées.

Il est vrai que Spinoza maniait la pensée comme une arme. Qu’on en juge. Dieu n’est pas une personne, mais la Nature. Le hasard n’existe pas. Il n’y a ni providence, ni miracles, ni paradis, ni enfer, ni immortalité de l’âme. La Bible n’est qu’un livre écrit par des hommes dotés d’une vive imagination, elle ne renseigne pas sur l’essence de Dieu.

Jésus n’a pas une nature divine, mais il exprime, une sagesse éternelle. Aucune contrainte ne doit être exercée sur la pensée de quiconque : la démocratie est préférable à tout autre régime.

Penser et écrire tout cela au XVIIe siècle c’est prendre un risque insensé. Spinoza est d’ailleurs banni, exclu à vie de la communauté juive d’Amsterdam en 1656, à seulement vingt-trois ans. Alors il se reconvertit en tailleur de lentilles optiques, afin de ne dépendre de personne.

Tout en continuant son œuvre, pour la seule postérité. Après l’Éthique, il publia son Traité théologico-politique, critique systématique de la religion de son temps, sans nom d’auteur. Et ses écrits circulèrent dans… des tonneaux de harengs.

Le philosophe est mort, le 21 février 1677. Mais le vrai mystère demeure : si Spinoza a été assassiné… il est toujours vivant.

« Qui a tué Spinoza ? »

Jean-François Bensahel, Grasset – 2023.

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Bernard Attali

Editorialiste