L’obsession d’Israël : faire disparaître l’UNRWA

par Agnès Levallois |  publié le 29/01/2024

Le gouvernement israélien est convaincu qu’il ne peut pas gagner la guerre s’il ne détruit pas dès maintenant  l’agence humanitaire, l’UNWRA. L’implication d’une douzaine de ses employés dans l’attaque du 7 octobre lui fournit un argument en or. Déjà, plusieurs pays ont suspendu leur aide, au risque de laisser toute la  population palestinienne sans aucun secours

Agnès Levalllois

La polémique sur le rôle de l’UNRWA – Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient – a été relancée par les déclarations d’Israël selon lesquelles une douzaine de ses employés auraient été impliqués dans l’attaque du Hamas du 7/10. Rappelons tout d’abord ce qu’est l’UNRWA, créée en 1949 par l’Assemblée générale de l’ONU après le premier conflit israélo-arabe. Son mandat est de fournir une assistance humanitaire et une protection aux 700 000 réfugiés palestiniens qui ont été expulsés de leurs terres au moment de la création de l’État d’Israël, et ce dans « l’attente d’une solution juste et durable à leur situation ».

L’agence intervient dans les territoires palestiniens occupés, bande de Gaza et Cisjordanie et également au Liban, en Syrie et Jordanie. Aujourd’hui près de 6 millions de Palestiniens bénéficient de ses services : éducation, soins de santé, services sociaux aide d’urgence et le seul garant par défaut de leur statut international. L’agence emploie 30 000 personnes, dont 13 000 dans la bande de Gaza.

Israël n’a de cesse que de discréditer le travail de l’UNRWA depuis des années considérant « qu’elle perpétue » le conflit. Cette position avait été relayée par Donald Trump qui avait supprimé l’aide financière annuelle de 300 millions de dollars accordée à l’agence en 2018. Mais Joe Biden en arrivant au pouvoir en 2012 l’avait rétablie.

Dans le contexte de la guerre à Gaza, la polémique est repartie de plus belle, car les employés de l’agence sont sur place et apportent dans des conditions extrêmement difficiles une aide aux habitants et témoignent de la situation. Une ancienne officielle Israélienne Noga Arbell déclarait lors d’un débat au parlement israélien le 4 janvier dernier : « il est impossible de gagner la guerre si nous ne détruisons pas l’UNRWA, et cette destruction doit commencer immédiatement ».

Cette déclaration est extrêmement choquante, car sans l’aide de l’UNRWA des centaines de milliers de Palestiniens n’ont pas accès au minimum vital. Mais plus choquante encore est la réaction de pays comme les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France qui ont déclaré suspendre leurs financements dès les accusations d’Israël rendues publiques. Son commissaire général, Philippe Lazzarini, a pourtant immédiatement licencié les employés visés bien qu’en attente de précisions sur les accusations contre eux afin de préserver le travail de son organisation qui est en permanence visée par l’armée israélienne.

Les accusations d’Israël contre l’UNRWA sont intervenues le jour où la Cour internationale de Justice (CIJ) rendait sa décision. Il y a une évidente contradiction entre soutenir l’ordonnance de la CIJ qui vise à garantir des mesures humanitaires pour empêcher tout acte susceptible d’être considéré comme génocidaire et de suspendre le financement de l’UNRWA.

Y a-t-il une volonté de « rééquilibrer » cette position en bannissant l’agence onusienne ? Il est vrai que le dossier déposé par l’Afrique du Sud devant la CIJ est largement étayé par les informations de l’UNRWA, car présente sur le terrain ce qui explique la volonté d’Israël de la faire disparaitre.

La dramatique mise en cause de l’agence confirme la stratégie d’Israël de tout détruire sans témoin et l’incohérence et la contradiction de la réaction des pays qui ont suspendu leur aide. Cette décision va encore plus accroître la défiance à l’égard des Occidentaux, dont l’alignement inconditionnel sur Israël est de moins en moins accepté.

Agnès Levallois

Editorialiste Etranger - Vice-présidente de l'IREMO