L’obstacle Mélenchon

par Laurent Joffrin |  publié le 18/06/2024

Le cirque LFI ne fait jamais relâche. Dernier numéro : un meeting unitaire, destiné officiellement à soutenir le Front populaire, en fait consacré à autre chose.

Laurent Joffrin

On s’en souvient : Mélenchon a épuré son parti (sa secte ?) en virant cinq de ses vieux amis, dont il estime qu’ils lui ont manqué. Sur ce, ses partenaires décident de se réunir hier à Montreuil, officiellement pour célébrer le Nouveau Front Populaire, en fait pour soutenir les dissidents ostracisés (en l’occurrence Corbière et Garrido, élus du coin).

Contre-attaque : Mathilde Panot, agente de Mélenchon, prend la parole dans son style plein de finesse, officiellement pour soutenir le Nouveau Front Populaire, en fait pour introniser sur scène Rima Hassan. Cette militante palestinienne aux forts penchants antisémites, mise en selle par Mélenchon, vient d’être propulsée au Parlement européen. Elle prend le micro, fustige les dissidents de la mélenchonie, les qualifie de « traîtres » et exige leur remplacement par des candidats « décoloniaux » – en clair des musulmans – plutôt que des universalistes comme Corbière et Garrido (qui ont donc le grave défaut d’être blancs, qualité qu’ils ont sans route choisie à leur naissance). Nous voici donc plongés dans les affres byzantines du militantisme « woke » et « décolonial », qui classe les électeurs selon la couleur de leur peau et milite pour la transformation de la société française en une mosaïque d’ethnies qui ne savent plus se parler.

Grotesque, scandaleux et médiocre

Tout cela est grotesque, scandaleux et médiocre. Mais l’essentiel est-il là ? Que pèse vraiment Mélenchon, ce caudillo sur le déclin qu’on présente comme le démiurge caché de l’union de la gauche ? Il essaie d’éliminer ses dissidents : il échoue et ceux-ci sont soutenus par tout le reste de la gauche. Il veut conserver son emprise sur le Front Populaire : ses partenaires ne cessent de le contrecarrer. Il se prévaut de ses scores à la présidentielle : les dernières élections nationales, les européennes, l’ont mis à 10 %, quatre points derrière le PS. Dans le but de capter le vote des quartiers, il a fait campagne pendant des mois sur Gaza et sur une forme d’indulgence envers le Hamas : le texte commun du Front populaire dit exactement le contraire et qualifie l’attaque du 7 octobre de « massacre terroriste », ce qui ruine neuf mois de propagande. Bref, cette idée selon laquelle le Front populaire est un jouet dans les mains de LFI est réfutée par les faits.

Que dit d’autre Raphaël Glucksmann, dont on admettra qu’il est peu suspect de sympathie pour LFI ou de complaisance envers l’antisémitisme, dans une tribune donnée hier au Monde ? Citons le texte : « Lorsque l’extrême droite est aux portes du pouvoir, hiérarchiser les périls devient une obligation. Et qui peut décemment croire que la principale menace sur la République vient d’une France insoumise divisée et diluée dans une large coalition électorale dont elle n’a pas la maîtrise, quand le Rassemblement national seul peut conquérir la majorité absolue à l’Assemblée dans moins de trois semaines ? ». En d’autres termes : il ne faut pas laisser la gauche à Mélenchon, véritable danger public. Mais il faut rester de gauche.

Laurent Joffrin