Loi immigration : l’annonce faite à Marine

par Valérie Lecasble |  publié le 13/10/2024

Bruno Retailleau veut faire passer une loi sur l’immigration durcie, que son prédécesseur Gérald Darmanin avait échoué à faire adopter. Ce qui ne déplaira pas à Marine Le Pen.

Dessin de Bendak

Deux coups sur la tête de Gérald Darmanin ! En annonçant qu’« une nouvelle loi sur l’immigration » arrivera au Parlement « début 2025 », Maud Bregeon, qui parle au nom du gouvernement, désavoue une deuxième fois l’ex-ministre de l’Intérieur, déjà visé aux côtés de Gabriel Attal pour avoir critiqué l’augmentation des impôts prévue dans le budget 2025. Et voici l’ex-majorité présidentielle de nouveau prise à revers : cette énième loi sur l’immigration sera débattue à l’Assemblée nationale un an après le vote du 26 janvier 2024 sur le projet Darmanin ; elle promet d’être considérablement durcie, trois mois seulement après la nomination du gouvernement Barnier.

Au-delà de l’affront faite aux macronistes, elle marquera à coup sûr un nouvel infléchissement vers la droite de la politique d’immigration, tant Bruno Retailleau promet d’amplifier le texte Darmanin, remanié en commission paritaire avant d’être largement retoqué par le Conseil Constitutionnel.

Déjà actée selon la porte-parole du gouvernement, « la prolongation de la durée de détention dans les centres de rétention administrative des immigrés clandestins jugés dangereux » est une disposition consensuelle qui découle du choc provoqué par le meurtre de Philippine par un Marocain libéré avant que ne soit exécutée son obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais cette prolongation, de 90 à 210 jours, n’est que la première pierre de l’édifice. Maud Bregeon n’a pas caché qu’elle sera suivie de beaucoup d’autres. Le gouvernement « ne s’interdit pas de réfléchir à d’autres dispositions », affirmant qu’il n’y a « aucun tabou en matière de protection des Français ».

La politique migratoire sera déclinée à trois niveaux : international, avec un bras de fer assumé avec les pays qui doivent délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à l’exécution des OQTF ; européen, avec la mise en œuvre du pacte asile et migration déjà voté ; français enfin, avec les propositions nouvelles que prépare Bruno Retailleau. « Le ministre de l’Intérieur ne va pas s’excuser d’avoir des idées », complète Maud Bregeon avec un air de défi.

Des idées ? Depuis qu’il a été nommé, le sénateur de Vendée ne perd pas une occasion de les dérouler dans les médias, tel un Premier ministre-bis qui communique à tout-va sans jamais se faire taper sur les doigts. Un jour, il ordonne aux préfets de réduire à la portion congrue la régularisation des travailleurs sans-papiers pour durcir la circulaire de Manuel Valls. Un autre, il veut accélérer les expulsions en faisant transiter par des pays tiers ceux qu’il souhaite renvoyer dans leur pays. Et de poursuivre avec un resserrement du regroupement familial ou une mise sous conditions de la distribution d’allocations versées aux étrangers qui vivent en France. Un flirt à peine masqué avec la notion de préférence nationale.

Aussi prudent sur ces sujets que Bruno Retailleau est tranchant, Michel Barnier laisse volontiers faire son ministre de l’Intérieur. Ce qui fait dire à Olivier Faure que « Bruno Retailleau va refourguer une loi immigration comme gage à l’extrême-droite ». Barnier au centre et Retailleau à l’extrême-droite, les rôles sont distribués. Avec un objectif limpide : éviter que le RN ne censure le gouvernement.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique