Loi immigration : un seul vainqueur…

par Laurent Joffrin |  publié le 25/01/2024

Les palinodies qui ont abouti à la décision du Conseil constitutionnel desservent tout le monde, sauf le Rassemblement national.

Laurent Joffrin

Un cavalier surgit hors de la nuit et annule un projet de loi à la pointe de l’épée, d’un « Z » qui veut Zéro… Un cavalier ? C’est ainsi qu’on nomme, en jargon parlementaire, ces dispositions venues d’ailleurs qu’on juche sur un projet de lui en cours de discussion, tel un cavalier monté sur un cheval qui n’est pas le sien. Ainsi se termine le long feuilleton de la loi immigration, dont le scénario n’est pas bien meilleur que ceux des épisodes de Zorro bricolés par Disney pour un public juvénile. Il n’y manque que le sergent Garcia…

Reprenons. Sans majorité pour faire aboutir leur projet, Darmanin et Macron ont accepté tous les amendements proposés par la droite (les futurs « cavaliers »), en comptant bien que le Conseil constitutionnel les annulerait, ce qu’il vient de faire en retoquant 35 articles du texte sur 86. Du coup la droite dupée crie au scandale et Darmanin plastronne. Quant à la gauche, elle crie victoire, oubliant qu’en votant une motion rejet à l’Assemblée (avec la droite et le RN), elle avait ouvert la voie au durcissement du texte en Commission mixte paritaire. Peut-être aurait-elle mieux fait d’opposer aux desseins macroniens un plan crédible d’organisation de l’immigration en France, ce qu’elle se garde bien de faire…

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À tout prendre, la décision du Conseil, purement juridique et non politique, comme le clame la droite, est un moindre mal : les dispositions les plus contestables du projet sont éliminées. Mais il faut aussi mesurer les conséquences politiques de ces palinodies. L’opinion en retirera l’idée que tout cela ne sert pas à grand-chose, sinon à sauver la face du gouvernement. Et surtout, comme l’avait redouté Laurent Fabius, en plaçant le Conseil constitutionnel en situation d’arbitre d’un conflit parlementaire, Macron a servi sur un plateau à l’extrême-droite un argument en or pour alimenter son incessante campagne contre l’état de droit. Voyez ! dit-elle. Les magistrats suprêmes se sont opposés à la volonté populaire. Ce « gouvernement des juges » doit absolument être aboli, poursuit-elle, ou, à tout le moins, contourné par un référendum ou par une réforme constitutionnelle.

Elle rejoint ainsi le chœur des populistes dans toutes les démocraties, qui veulent réduire la protection des libertés publiques par les instances judiciaires ou constitutionnelles pour imposer leurs projets liberticides. Les macronistes sont très contents de leur ruse tactique. Ils viennent seulement de renforcer la stratégie de ceux qu’ils désignent comme leurs adversaires principaux.

Laurent Joffrin