Loi sur l’immigration : c’est non
La Nupes à gauche, les LR et le RN à droite, ont uni leurs voix pour blackbouler le projet de loi sur l’immigration défendu depuis plus d’un an par Gérald Darmanin. Les oppositions ont obtenu à deux voix près la majorité en faveur de la motion de rejet déposée par les écologistes
Un coup d’arrêt à sa carrière politique. Gérald Darmanin a dû affronter hier ce que toute la Macronie redoutait depuis qu’en 2022 elle n’avait obtenu qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale : une alliance des oppositions. La Nupes à gauche à l’unisson des LR et du RN à droite ont voté à 270 voix pour, 265 voix contre la motion de rejet de la Loi sur l’immigration que les écologistes avaient présentée.
« La Macronie a exaspéré les oppositions », a beau jeu de dénoncer Jean-Luc Mélenchon. Pour une fois, le leader de LFI n’a pas tort. À force de vouloir ménager tout le monde, le ministre de l’Intérieur s’est mis tout le monde à dos. Le Rassemblement National et Les Républicains d’un côté qui ont dénoncé un texte trop laxiste et la Nupes de l’autre qui l’a jugé au contraire trop répressif envers les étrangers vivant sur le sol français.
Dès l’ouverture de la séance, Gérald Darmanin a mis toutes ses forces dans la bataille pour obtenir le rejet de la motion. « Refuser de débattre de l’immigration, c’est refuser de débattre de ce qui intéresse les Français », a martelé le ministre de l’Intérieur. Et d’énumérer la nécessité de simplifier les procédures, de lutter contre les étrangers délinquants, et d’intégrer ceux qui travaillent. Lors des interventions, il a reçu le soutien de Renaissance – dont 5 députés étaient absents, sic – Horizons, du Modem et même de LIOT en raison de la situation particulière de Mayotte.
Rapidement, il est apparu que tous les autres, depuis la Nupes jusqu’au RN, en passant par les LR étaient bien décidés à faire capoter le projet. C’est peut-être Olivier Marleix qui pour LR a donné le fin mot de l’histoire : « il faut qu’il y ait un débat, mais à partir du texte du Sénat ».
Après l’adoption de la motion de rejet – une première à l’Assemblée nationale – ce pourrait en effet être le texte élaboré par la droite sénatoriale qui pourrait récupérer la prééminence de la navette parlementaire. Un texte considérablement plus dur envers l’immigration et qui avait été largement détricoté par la Commission des Lois de l’Assemblée nationale.
À l’issue de ce vote, ce sont donc les parlementaires les plus à droite qui apparaissent les grands gagnants. Le Rassemblement National dont l’opinion retiendra que le parti a rejeté paradoxalement un projet pour mieux contrôler l’immigration. Les Républicains ensuite, dont le très large ralliement à la motion a provoqué l’impossibilité de débattre sur le texte de l’Assemblée nationale.
À gauche, la victoire est politique sur la forme, mais dangereuse sur le fond, le risque étant qu’un projet plus dur que celui-ci finisse par être finalement adopté.
Mais l’immense désaveu est pour le gouvernement. Au-delà du ministre de l’Intérieur dont la défaite est cinglante, le camouflet atteint jusqu’au sommet de l’État, la Première ministre et le Président de la République, en marquant la fin du « En même temps ».
Le 11 décembre 2023 restera dans les annales de l’histoire de la Macronie dont on voit mal comment elle pourrait éviter désormais à minima un remaniement ministériel, voire une dissolution de l’Assemblée nationale.