L’or du Sahel finance le djihadisme
Ou comment lutter contre le pillage des mines d’Afrique. Par Christine Holzbauer
On le sait peu en France, mais le Sahel regorge d’or. Le Mali, aujourd’hui 2eme producteur d’or en Afrique derrière le Ghana avec plus de 70 tonnes d’or exportées chaque année, vient de modifier son code minier. Le Burkina Faso, le Tchad, le Niger et, dans une moindre mesure, la Mauritanie et le Sénégal, san parler du Soudan, ont également de riches gisements qui, s’ils étaient exploités à leur plein potentiel, pourraient booster les budgets de ces états classés parmi les plus pauvres de la planète.
Cet or « facile à extraire, à transporter et à vendre » attire des jeunes venus de toute l’Afrique sur des sites d’orpaillage, souvent non réglementés, avec les nuisances pour l’environnement en plus des accidents. Il alimente aussi de nombreux trafics qui, in fine, permettent aux djihadistes, notamment ceux d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ou de l’État islamique dans le grand Sahara, de déstabiliser les États de la région en les privant des retombées de l’or, mais également en leur fournissant les moyens de les attaquer.
C’est pourquoi l’ex ministre mauritanien et ancien sous-secrétaire général de l’ONU, M. Ahmedou Ould Abdallah, aujourd’hui à la tête d’un think tank qu’il a créé et préside (Centre 4S – Stratégies pour la Sécurité du Sahel Sahara), tire la sonnette d’alarme. Il appelle à une meilleure plus grande transparence dans ce secteur « en commençant par mieux payer nos douaniers et à davantage surveiller nos frontières ».
Un appel à une reprise en main sur la production et la commercialisation du précieux métal déjà entendu, à un moment où les cours mondiaux de l’or n’ont jamais été aussi haut. Le Burkina Faso, un pays à fort potentiel mais où pas moins de cinq sites miniers industriels ont dû être fermés du fait de l’insécurité croissante, vient de poser la première pierre de sa toute première raffinerie. Avec un double objectif : mieux contrôler la production nationale et lutter contre l’évasion frauduleuse de sa production qui a servi à financer le terrorisme sur son territoire.
En plus d’une privatisation généralisée de la sécurité sur les sites mines du Sahel, le président du Centre4S est favorable à une amélioration de la traçabilité de cet or par le biais d’un renforcement de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), la mise en place de nouveaux instruments comme la blockchain pour mieux répertorier l’extraction ou encore un processus de certification similaire à celui de Kimberley pour les diamants.
Quant aux éventuelles sanctions contre les principaux bénéficiaires de ces trafics, -déjà identifiés dans de nombreuses études-, avec en tête Dubaï (Émirats arabes unis) devenu l’un des premiers revendeurs d’or africain, devant la Chine, alors que pas une once n’est extraite sur son sol, il est plus réservé. « Si nous faisons le ménage chez nous, nous serons davantage en mesure d’avoir des exigences à l’égard de Dubaï ou de la Corée du Sud ». En rappelant un adage de Léopold Sedar Senghor : « en politique, l’ennemi c’est la famille !», façon d’inciter les présidents africains à résister aux pressions des « visiteurs du soir » et à montrer l’exemple.
Christine Holzbauer, ancienne correspondante de grands journaux français en Afrique de l’Ouest et du Centre pendant plus de quinze ans.
Son émission : https://www.youtube.com/watch?v=Sk5LNooJmNE&t=6s