L’or noir dans nos assiettes

par Jacques Treiner |  publié le 24/02/2024

Aujourd’hui, sans hydrocarbures, nous ne mangeons pas ! Et demain ?

Une vache dans un champ à La Ferriere-Aux-Etanges, dans l'Orne, en France, le 12 juin 2023 - Photo Artur Widak/NurPhoto

Retour à la base. L’agriculture transforme un certain nombre de matières premières, dits intrants, en nourriture assimilable par les humains. Le processus de base est la photosynthèse des plantes. Ces plantes peuvent être consommées directement, ou consommées par des animaux qui seront consommés à leur tour. Les enfants apprennent à l’école la valeur du contenu énergétique de cette nourriture : environ 2500 kilocalories par jour et par personne. Il faut dépenser du travail pour assurer ces transformations, qu’il s’agisse de force musculaire humaine, celle d’animaux de traits, ou du travail effectué par des machines thermiques ou de l’électricité (machines fixes, chauffage des serres).

Ces activités ont connu un changement radical après la Seconde Guerre mondiale. Jusqu’aux années 1950, l’agriculture était autosuffisante en énergie. La force de travail (humains et animaux de traits) était totalement alimentée par la production agricole, qui couvrait également les besoins importants des animaux destinés à fournir la viande, le lait et les œufs, et permettait de dégager un surplus destiné à alimenter les villes.

Cette situation est restée stable jusqu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. À partir de 1950, en 20 ans, l’agriculture a été complètement reconfigurée par la mécanisation et l’utilisation des engrais de synthèse et des produits phytosanitaires. Les apports énergétiques directs, liés à la mécanisation, et indirects, liés à la fabrication des intrants de synthèse, sont désormais assurés par les hydrocarbures (pétrole et gaz). Les machines ont remplacé humains et animaux de trait.

La population agricole a fondu (25 % de la population totale en 1950 et moins de 2 % aujourd’hui), alors que la population du pays, demeurée constante depuis le milieu du XIXe siècle, est passée de 40 millions à 68 millions. Le surplus agricole a été multiplié par 5, ce qui a fait de la France un pays exportateur. Quant à l’alimentation des animaux nécessaire à la production de viande, de lait et d’œufs, elle constitue toujours, et de loin, la plus grande part de la consommation de la production.

Ce métabolisme de l’agriculture est-il durable, et qu’en est-il des émissions de gaz à effet de serre du secteur ? La dégradation des sols et la réduction importante des populations d’insectes pollinisateurs pointent vers une réponse négative à la première question. Pour la seconde, il faut savoir que les émissions de l’agriculture représentent environ 20 % du total des émissions, mais qu’elles ne résultent pasprincipalement de la combustion des hydrocarbures. Il s’agit principalement du méthane émis par les ruminants et des oxydes nitreux liés à l’engrais de synthèse. La bonne piste consiste donc à réduire la consommation de viande rouge : moins de méthane, et moins besoin de production agricole pour la production de viande !

Jacques Treiner

Chroniqueur scientifique