L’ordre, le « mantra » scolaire de Macron

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 20/01/2024

Tout à son « réarmement » autoritaire de l’école, le président a oublié ce qui la mine, comme d’ailleurs toute la société française: l’inégalité. Un grand vide…

Deux élèves en uniforme scolaire assistent à un cours donné par un de leurs professeurs en toge, le 24 août 2004, dans l'enceinte du Collège International Catholique de Chavagnes-en-Paillers - Photo FRANK PERRY / AFP

C’est entendu : désormais, nos élèves seront bien propres sur eux, l’uniforme y veillera. Ils chanteront La Marseillaise. Ils réciteront les récits nationaux préparés par les scribes du ministère. Ils ressentiront les fastes du symbolique retrouvé. Les professeurs remonteront sur l’estrade nantis d’une autorité par miracle restaurée. Les élèves seront évalués, évalués et réévalués et l’ordre enfin règnera.

Quelle affreuse « vision » de l’école que celle présentée par le président de la République lors de son cours professoral délivré au Palais devant tant de journalistes ! Cours d’une tristesse infinie. Une vision obscurcie par l’obsession de l’ordre. Le contraire de la joie d’apprendre, de la joie d’apprendre à apprendre !

Notre président croit-il qu’aujourd’hui, on fera ainsi de nos élèves non seulement des citoyens, mais aussi des républicains, qui croient en des valeurs essentielles comme la liberté, l’égalité, la fraternité et les professent dans leur vie quotidienne ?

Fut un temps où l’idée de citoyenneté s’accompagnait de celle d’esprit critique qui grâce à l’instruction, permet ade lever peu à peu le voile sur l’obscurité du monde et ses complexités multiples, celle qui produit la liberté de jugement et permet de comprendre pourquoi l’égalité et la fraternité sont des exigences. L’école est au cœur, elle est la mère des batailles. Si elle peut contribuer à changer le monde, elle en est aussi le reflet y compris celui de toutes ses inégalités.

Car l’école est bien à l’image de nos sociétés inégalitaires. Trop peu en ont conscience et oublient le courage des enseignants qui tentent d’y faire face. Les résultats des évaluations internationales, comme PISA et d’autres.ne mesurent pas le niveau des élèves. C’est d’abord l’ampleur de ses inégalités qui est évaluée. Car ce qui caractérise les résultats des élèves de France, c’est l’ampleur des écarts entre eux. DE tous les pays de l’OCDE de niveau de vie comparable, l’écart-type français est un des plus élevé sinon le plus élevé.

La première des tâches assignées à notre système éducatif, devrait être ne lutte sans relâche contre de telles inégalités . Car pour sortir un élève de ses difficultés scolaires, il faut déployer d’autres dispositifs que la classe ordinaire. Il faut innover, faire autant que possible du « sur mesure » là où prime trop souvent le « prêt-à-porter ». Nombreux sont les exemples d’écoles ou d’établissements publics, mais aussi privés, dont les enseignants sont prêts à aller dans ce sens dès lors qu’on les y encourage et qu’on leur en donne les moyens. I

l n’y a pas d’autre façon pour redonner l’envie d’école à tous ces élèves qui n’en voient pas la nécessité ou sont tentés de la contester au profit d’idéologies mortifères. Mais le gouvernement fera-t-il enfin un jour les arbitrages nécessaires ?

Et comment ces mêmes élèves croiraient-ils à cette école lorsque la société elle-même la dévalorise sans cesse, elle et ses différents acteurs. Lorsque le président de la République lui-même ne semble plus lui donner d’autre mission qu’un ordre sans valeurs ?

Jean-Paul de Gaudemar

Chronique Société - Education- Afrique