L’orgasme trumpien de la presse de droite
Pendant la campagne, prudence : Trump était décidément trop vulgaire et menteur pour qu’on soutienne officiellement. Depuis qu’il a gagné, les digues ont lâché.
Il suffit parfois d’un événement fortuit pour libérer les inconscients. Ainsi de l’élection de Donald Trump. Avant sa victoire, la plupart des journalistes couvrant la campagne, y compris dans les journaux conservateurs, soulignaient la brutalité du candidat républicain, son addiction au mensonge, ses outrances racistes, ses condamnations pénales, ses menaces contre ses adversaires, sa volonté de saisir tous les pouvoirs.
Depuis la nette défaite de Kamala Harris – divine surprise – une joie sans mélange s’est emparée des mêmes journaux. Oubliées les outrances, les billevesées et les honteuses diatribes du chef MAGA, oubliées les prudences et les réserves jusque-là affichées : il est président, la force est avec lui. Rallions-nous ! Comme si un inconscient autoritaire et réactionnaire s’était soudain révélé, devant un homme qui va enfin mettre en œuvre les rêves cachés des éditorialistes de droite.
Trump a accusé les immigrés de manger des chiens et des chats et de pourrir le sang américain ? Au moins, il ne se laisse pas intimider par le « politiquement correct ». Il promet d’arrêter et de renvoyer chez eux des millions d’immigrés, en autorisant de nouveau qu’on sépare les enfants de leurs familles pour faciliter les expulsions ? Voilà un homme enfin conscient des enjeux contemporains. Vive Trump !
Il ne croit pas au dérèglement climatique, veut sortir de l’accord de Paris sur le climat et proclame sa dévotion aux énergies fossiles ? Nous voici enfin débarrassés de cette « écologie punitive » qu’on ne cesse de fustiger sans oser se dire climato-sceptique. Il refuse toute restrictions sur la détention d’armes à feu, y compris les armes de guerre ? C’est qu’il a compris l’urgence d’une politique de sécurité. Il nomme Elon Musk ministre et veut démanteler l’État fédéral ? Les impôts des riches vont baisser. Vive Trump !
Il dénigre toutes les avancées féministes, encourage le machisme le plus grossier et favorise la remise en question du droit à l’IVG ? C’est la défaite tant espérée du « wokisme », étiquette qu’on accroche à toute action en faveur du droit des femmes. Il souhaite que si on lui tire dessus, les journalistes seront abattus en premier, bonne blague sortie en fin de campagne ? Enfin on ose dire leur fait aux plumitifs « bien-pensants » qui ne cessent de diffuser leur propagande progressiste et décadentiste. Il promet de se venger des procureurs et des juges qui lui ont cherché noise pour les multiples illégalités dont il s’est rendu coupable ? Enfin on échappe à la « dictature des juges » dénoncées jour après jour dans la même presse. Vive Trump !
Au fond, le président américain crie tout haut ce que la droite française n’osait pas dire. Par personne interposée, elle peut maintenant officialiser ses fantasmes. Voilà la bataille idéologique qui nous attend à partir du 20 janvier prochain, jour d’intronisation de la nouvelle idole.