L’orthographe, cette relique réactionnaire…
Le ministre de l’Éducation veut sanctionner les copies de bac truffées de fautes. Nous ne sommes pas loin du fascisme
Kamikaze, Pap N’Diaye ? On peut se poser la question. Voilà que le ministre de l’Éducation nationale a eu l’idée incongrue de dire que l’éducation des élèves serait favorisée s’ils maîtrisaient mieux l’orthographe. Il a même avancé l’idée que les copies du bac constellées de fautes pourraient être pénalisées, tout en proposant l’ouverture d’un « vaste chantier » d’apprentissage de la langue. Horreur !
Aussitôt un tir de barrage nourri s’est déclenché, venu d’une certaine gauche. La secrétaire générale du SNES-FSU, Sophie Vénétitay, a expliqué ne pas être convaincue par le « vaste chantier » du ministre. « Croire qu’on va résoudre le problème en enlevant deux points, c’est complètement illusoire », a-t-elle tranché, même si elle reconnaît que « c’est très important de travailler l’orthographe et plus globalement les expressions écrite et orale ». Ouf !
« La répression jusque dans le bac ! » a lancé sur Télématin, la députée LFI du Val-de-Marne Clémence Guetté, établissant un édifiant continuum entre les policiers de la Brav-M et les braves correcteurs du bac. Ce qu’il faut, dit-elle, « c’est élever le niveau de formation, ce n’est pas mettre des mauvaises notes à tout le monde », s’est-elle agacée.
On peut donc supposer qu’en mettant de bonnes notes à tout le monde, on élève le niveau. La militante écologiste Lou Toussaint, ancienne candidate Nupes, est allée plus loin : « La maîtrise parfaite de l’orthographe, a-t-elle dit, est un privilège bourgeois et blanc ». Comme dans le cas de l’agrégé de grammaire Léopold Senghor…
Est-il permis d’élever quelques objections à ce réquisitoire contre la notation de l’orthographe ? Le combat pour le savoir fait partie des fondements du socialisme et de la gauche en général. Or le savoir suppose l’effort. Croit-on que l’école républicaine gagnera l’estime des familles si elle proclame urbi et orbi qu’elle doit abaisser sans cesse son niveau d’exigence pour ne pas exclure, alors même que le niveau moyen des élèves en français ne cesse de baisser ?
On croit servir l’égalité ; on la discrédite aux yeux du public. Et pourquoi de nombreuses familles issues de l’immigration choisissent-elles le privé, quitte à se saigner aux quatre veines, alors que l’école publique est gratuite ?
Autant on doit corriger les inégalités dans l’accès au savoir entre groupes sociaux dès la petite enfance, autant on ne sert pas l’intérêt des bacheliers en faisant semblant de ne pas voir leurs fautes, alors qu’ils seront sanctionnés l’année suivante à l’université pour la même raison. Ou que leurs lettres de candidatures à tel ou tel emploi seront mises au panier à la troisième erreur de français ?
À partir d’une lecture sommaire de Michel Foucault (qui faisait peu de fautes d’orthographe), on postule que tout savoir est pouvoir. Certes. Mais Foucault n’a jamais fait l’éloge de l’ignorance. Le savoir cesse d’être un pouvoir quand il est partagé, non quand il est rejeté.
Quant à assimiler la notation à la répression – vieille lune soixante-huitarde abandonnée depuis longtemps par les esprits un peu sérieux – c’est postuler que toute exigence est réactionnaire. À l’inverse, imaginons – hypothèse folle – que la sanction des erreurs incite les élèves à l’effort, sans lequel il n’y a pas d’apprentissage.
Dès lors, elle démontrerait son utilité. Mais c’est sans doute aller beaucoup trop loin pour ces défenseurs supposés de l’école publique qui lui rendent, par leurs réactions caricaturales, le plus mauvais des services.