L’Ukraine, grande perdante du conflit contre le Hamas ?

par Valérie Lecasble |  publié le 14/10/2023

Comment gagner deux guerres en même temps ? C’est l’équation impossible à laquelle sont confrontés les chefs d’État des démocraties occidentales

Le président ukrainien, à Bruxelles, le 11 octobre 2023. Volodymyr Zelensky a exhorté les alliés de l'Ukraine à augmenter les livraisons d'armes pour aider son pays à survivre pendant l'hiver, lors de sa première visite au siège de l'alliance militaire de l'OTAN au cours de sa visite en Belgique - Photo YVES HERMAN / POOL / AFP

A priori, l’enjeu demeure trop crucial pour qu’une grande puissance occidentale assume aujourd’hui de laisser tomber l’Ukraine. Tous assurent, au contraire, qu’il faut persister à combattre Vladimir Poutine et bloquer les velléités de la Russie d’étendre son territoire jusqu’aux portes de l’Europe.

« Il a été clairement exprimé que l’Amérique continuera à fournir à l’Ukraine le soutien constant et ininterrompu nécessaire à sa défense », a déclaré le 11 octobre le président ukrainien Volodymyr Zelensky, après une rencontre avec le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin au siège de l’OTAN, à Bruxelles. « Je suis reconnaissant à tous les partenaires pour leur volonté constante d’aider notre défense ».

L’hiver approchant, Kiev, qui espère l’arrivée de nouveaux missiles, redoute comme l’an dernier que des millions d’Ukrainiens doivent affronter le noir et le froid, à la suite d’une nouvelle campagne massive de bombardements russes sur ses infrastructures.

Et pourtant. Si le président ukrainien continue à parler haut et fort, un doute subsiste sur l’engagement à long terme des puissances occidentales aux côtés de l’Ukraine.

Avant même l’attaque du Hamas sur Israël, le 7 octobre dernier, et plus de dix-huit mois après l’invasion de la Russie, leur implication commence à s’étioler. Aux États-Unis, la grande négociation sur le « shut down » – arrêt des services étatiques en l’absence d’accord parlementaire sur le budget – qui risquait de paralyser le pays a mis en lumière les oppositions des Républicains mais aussi, plus grave, d’une partie des Démocrates au soutien inconditionnel de Joe Biden à Kiev.

Sur la scène internationale, le Président ukrainien commence à voir pâlir son étoile et n’est plus accueilli comme le héros courageux, icône de la résistance juste après l’invasion de son pays par la Russie.Les rumeurs de corruption aidant, les opinions publiques se sont mises à émettre des critiques sur la nécessité de financer le puits sans fond du réarmement de l’armée ukrainienne qui, de fait, a échoué à reconquérir leurs territoires occupés lors d’une contre-offensive décisive de printemps souvent annoncé, mais jamais réalisée.

Enfin, l’élection du nouveau Premier ministre slovaque Robert Fico, un populiste prorusse ostensiblement opposé à l’aide militaire à l’Ukraine et proche du hongrois Viktor Orban, a achevé de brouiller le tableau.

Or voilà que l’attaque du Hamas contre Israël prélude à une autre guerre, annoncée comme « longue et difficile » qui ouvre un deuxième front.Qu’importe si elle éclate à 4 500 kilomètres de Paris alors que Kiev est deux fois moins éloignée, ce conflit nous paraît plus proche. D’autant que, parmi les victimes, on compte des citoyens américains, britanniques, italiens, autrichiens et aussi français – au moins dix-sept disparus dont quatre enfants, et douze morts, .

Après les douloureux attentats de 2015, l’affrontement entre Israël et le Hamas accapare désormais toute notre attention et ravive notre angoisse. Au détriment du sort de l’Ukraine ?

Valérie Lecasble

Editorialiste politique