Macron et l’Ukraine

par Malik Henni |  publié le 02/03/2024

La déclaration d’Emmanuel Macron sur le possible envoi de troupes alliées en Ukraine a fait bondir ses alliés 

D.R

Le titre du quotidien de centre-gauche britannique The Guardian résume tout : « Macron fait face à un contrecoup de l’UE après avoir suggéré d’envoyer des troupes en Ukraine ». Le secrétaire général de l’OTAN, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, les États-Unis se sont déclarés opposés la proposition française. La critique est particulièrement forte en Allemagne où le style de Macron, souvent vu comme arrogant, ne passe pas.

Le correspondant du journal Süddeutsche Zeitung souffle presque en constatant que « Emmanuel Macron donne de plus en plus l’impression de se perdre dans son besoin d’agir ».

 Le Zeit Online le compare moqueusement à « un général napoléonien qui sort son sabre et se jette dans la mêlée au mépris de la mort ».

La palme de la grossièreté revient au journal de référence hongrois, opposé à Orban depuis 2015, le Maguar Nemzet qui titre sobrement : « Que Macron aille se faire foutre ! ». Un autre article du même journal enfonce le clou en parlant d’un « Macron sans voix : (…) le président français Emmanuel Macron s’est isolé tant sur le plan diplomatique que dans son propre pays en affirmant qu’il n’était pas exclu d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine. »

Pourquoi le Président français s’est-il exprimé ainsi ? Pour l’analyste du quotidien conservateur espagnol El Pais, cela aurait pour but d’occuper une place laissée vacante au sein du leadership européen, mais également de donner une stature internationale à un président impopulaire dans son propre pays.

Sur le fond, le roumain Adevarul pousse la réflexion jusqu’à imaginer ce que donnerait la hausse de la production d’armement à longue portée en Europe : le retour d’un éventuel service militaire en Roumanie qui offrirait « une main-d’œuvre jeune et enthousiaste, gratuitement, sur les grands chantiers et les travaux agricoles. »

Notons cependant que les propos du chef de l’État français n’ont pas été les seuls à provoquer de vives réactions chez ses alliés européens. La même semaine, Politico relève que le chancelier Olaf Scholz a révélé à demi-mot la présence de troupes de pays de l’OTAN en Ukraine, ce qui a passablement irrité Londres. Le chancelier allemand refuse pour le moment de demander au Bundestag l’envoi de troupes la Bundeswehr en Ukraine (au front ou à l’arrière).

Cette question de la nature du soutien à apporter à l’Ukraine agressée est au centre des débats. Le journal numérique espagnol El Confidencial, très lu par les élites politiques et économiques du pays, prend l’angle de la question du soutien matériel déjà existant pour rappeler que la France est « celle qui envoie le moins d’aide à l’Ukraine ». C’est un « nouveau chapitre tendu » entre Paris et Berlin, alors que la situation demeure précaire sur le terrain en Ukraine.

L’Asahi Shimbun japonais propose la même lecture des évènements alors que, si l’Allemagne est bien le second fournisseur d’armes à Kiev derrière les États-Unis, elle se refuse de fournir les missiles Taurus à longue portée. La France et le Royaume-Uni envoient des armes similaires depuis l’an dernier. Et de comparer avec la situation nippone : « Lors de l’invasion de l’Ukraine, le Japon a modifié sa politique et a décidé de fournir des armes telles que des chars, mais cette décision a été prise après avoir reçu un fort soutien de la France, d’autres pays européens et des États-Unis. »

Une concertation avec ses principaux alliés afin d’éviter des déclarations tonitruantes génératrices de frustrations et de ressentiment… Peut-être une piste pour la diplomatie française ?

Malik Henni