Macron, l’aveugle fiscal

par Laurent Joffrin |  publié le 22/08/2023

À l’inverse de ce qu’il avait promis, le gouvernement s’apprête à augmenter les impôts. Sauf ceux des plus riches…

Laurent Joffrin

« Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer… » Emmanuel Macron avait promis – croix de bois, croix de fer – de ne pas augmenter les impôts. Il va le faire quand même : ira-t-il en enfer ?

À vrai dire, il agira par la bande, en loucedé, subrepticement. Il ne touchera, dit-il, ni à la TVA, ni à l’impôt sur le revenu, ni à l’impôt sur les sociétés, seulement à quelques niches fiscales, à quelques subventions, à quelques prestations sociales. Ni vu, ni connu…

Qu’en dire, sinon que sa promesse était fallacieuse ? La France est endettée jusqu’au trognon ; le déficit public semble irréductible ; chaque jour, le Trésor public doit trouver sur les marchés – c’est-à-dire auprès de créanciers regardants – quelque grain pour subsister jusqu’à la saison nouvelle. Elle doit donc, sauf à risquer le déclassement prononcé par les agences de notation, envoyer des signes de redressement financier. C’est-à-dire donner le sentiment auxdits marchés qu’elle réglera, au bout du compte, l’addition du « quoi qu’il en coûte ».  D’où le budget 2024 fort désagréable que Bruno Le Maire s’apprête à présenter au pays.

L’équation du ministre paraît insoluble : il faut réduire le déficit, contenir la dette, dégager les ressources nécessaires à la lutte pour le climat, renflouer maints services publics, soutenir l’effort de défense dans ces temps troublés, éviter la révolte sociale qu’une coupe claire dans les dépenses sociales ne manquerait pas de provoquer. Or les ressources provenant des économies prévues et des prélèvements projetés n’y suffiront pas.

Cette situation intenable est le résultat d’un tabou : l’imposition nécessaire et toujours refusée des revenus les plus élevés. « Un piège à cons », dit Macron. Pourtant un économiste aussi révéré que Daniel Cohen, dont on pleure la disparition et qu’on couvre d’éloges mérités pour son brio, son talent pédagogique et son engagement pour le bien commun, avait livré sur ce point un diagnostic sans appel. Tout comme Jean Pisani-Ferry, économiste de gauche qui avait rejoint l’aventure macronienne. Ces deux experts, certes progressistes mais qui n’ont jamais épousé les thèses d’une certaine gauche accro aux déficits, ont indiqué la bonne direction.

Pour eux, comme pour ceux qui regardent avec un peu de bon sens la situation fiscale privilégiée dont bénéficient les plus prospères des contribuables, il est impossible de s’en sortir sans taxer les plus riches. Ils le sont déjà ? Oui, mais moins que la classe moyenne, qui ne peut user comme ceux-là des délices de l’évasion fiscale. Ainsi, au nom de la théorie du « ruissellement » – réfutée par toutes les études sérieuses – on refuse de prendre l’argent où il est.

Telle est le trait principal qui distingue Macron de la gauche : il refuse de s’attaquer à la situation exorbitante du capital, même si elle l’est moins en France qu’ailleurs. On dira que cette taxation des plus riches ne suffira pas à combler les trous béants qui grèvent les finances publiques. Certes. Mais en brisant le tabou de la mise à contribution des plus fortunés, on ferait un grand pas dans la bonne direction : celle de la justice et du sérieux budgétaire…

Laurent Joffrin