Macron : le casse-tête du Mercosur
Le président de la République est en Amérique latine pour participer au G20 de Rio. Avec en tête la mobilisation des agriculteurs français contre l’accord de libre-échange.
PAR PIERRE BENOIT
Pour ce nouveau G20, Emmanuel Macron dispose d’une feuille de route délicate : contenir la crise provoquée par la perspective d’une signature rapide de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, soit un ensemble de pays parmi les plus dynamiques de la région (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), qui fait resurgir la colère des agriculteurs français. Mais pas que : la mobilisation en cours s’étend jusqu’en Pologne.
Fraîchement nommé l’hiver dernier, le gouvernement de Gabriel Attal avait dû faire face, on s’en souvient, aux mobilisations des agriculteurs qui revendiquaient des prix de production plus justes et la suspension des négociations à Bruxelles concernant le Mercosur. Pour faire rentrer les tracteurs dans les cours de ferme, le président Macron déclarait alors que l’accord n’était pas acceptable en l’état. Aujourd’hui, tout se passe comme si les promesses du gouvernement d’alors n’avaient pas été suivies d’effets car la Commission européenne refuse de reprendre les discussions concernant le contenu de l’accord. Celle-ci dispose d’un mandat pour négocier des accords de libre-échange, qui lui a été accordé par les 27 en 1999, autrement dit bien longtemps avant les engagements des accords de Paris de 2015 sur le climat, la biodiversité et la protection de la forêt.
Les négociations concernant le Mercosur durent depuis vingt ans. À l’aube du 21ème siècle la Chine communiste avait rejoint l’OMC (décembre 2001) et la mondialisation devenait le crédo de toute l’économie libérale. Au passage, cette dynamique d’ouverture des marchés permettra à nombre de pays de sortir du sous-développement.
Mais aujourd’hui, ce traité de libre-échange qui prévoit de supprimer 90% des droits de douanes entre l’UE et le marché commun sud-américain apparait comme la queue de comète d’une mondialisation heureuse passée de mode. Il divise sérieusement l’Europe, d’un côté l’Allemagne et l’Espagne qui imaginent de vastes débouchés pour leurs produits manufacturés, de l’autre, les agriculteurs français, néerlandais, polonais qui y voient une sérieuse menace pour leurs productions de viande bovine.
Changement d’époque encore : les éleveurs français ont reçu l’appui des écologistes et le soutien inédit de plus de 600 élus députés et sénateurs. Tout le monde sait aujourd’hui que la destruction de la forêt amazonienne par les incendies criminels permettra de créer des millions d’hectares de pâturage pour des élevages bovin dont la viande sera destinée à l’Europe. Non seulement la disparition de cette forêt primaire est en soi une catastrophe qui accélère le dérèglement climatique, mais la production de viande sans la moindre traçabilité sanitaire crédible pose aussi un sérieux problème de santé publique. A-t-on demandé aux consommateurs européens ce qu’ils en pensent ?
À Rio, Emmanuel Macron retrouvera lundi et mardi le Président Lula qu’il a déjà vu longuement lors de sa visite d’Etat au Brésil en mars dernier. Le Président français soulignait alors que Brasilia et Paris « représentent un pont entre le Sud global et le monde développé ». Il n’est pas sûr que l’accueil soit aussi chaleureux cette fois-ci. Lula a lui aussi fait des promesses aux agriculteurs brésiliens, et il a sa propre ligne d’action. L’élection de Donald Trump donne des ailes à son adversaire d’hier, Jair Bolsonaro… et à certains de ses partisans comme le montre l’attentat commis mercredi dernier en plein cœur du quartier présidentiel de Brasilia.