Macron, le pompier pyromane

par Laurent Joffrin |  publié le 21/05/2024

Le président de la République est devenu maître dans l’art d’éteindre les incendies qu’il a lui-même allumés. Mais est-il meilleur pompier ou pyromane ?

Laurent Joffrin

Il faut le reconnaître : Emmanuel Macron n’a rien d’un pleutre ou d’un procrastinateur. À chaque crise, à chaque protestation, à chaque rencontre avec des citoyens mécontents, il va au contact, accepte la critique ou même l’invective, tombe la veste, relève ses manches et répond du tac au tac avant de chercher des solutions, quitte à concéder le lendemain ce qu’il refusait la veille avec hauteur.

Le voici donc parti pour la Nouvelle Calédonie, alors même que la révolte d’une partie des Kanaks est toujours en cours, même si certains signes d’apaisement se font jour. De la même manière, il avait lancé en pleine crise des gilets jaunes le « grand débat », peu productif au bout du compte, mais qui avait eu l’avantage d’offrir un signe d’écoute et d’ouverture.

Bévues

Chose frappante : dans les deux cas, c’est pour réparer une de ces bévues dont il a le secret. La première avait consisté, dans une France où les classes populaires s’estiment souvent maltraitées et méprisées, à multiplier les déclarations désinvoltes et condescendantes destinées à bousculer les « Gaulois réfractaires » à qui il imputait une obtuse résistance aux réformes. À la première occasion – une augmentation des taxes sur l’essence en l’occurrence – les Gaulois en question ont déclenché un mouvement informe et agressif nourri avant tout de dignité bafouée et de ressentiment.

La seconde, dont nous voyons les effets aux antipodes, tient dans cette volonté de faire évoluer la situation calédonienne en fixant un ultimatum aux parties en présence, tout en donnant le sentiment d’avoir choisi un camp contre un autre, notamment en nommant au gouvernement Sonia Backès, l’une des animatrices les plus affirmées du camp « loyaliste », c’est-à-dire hostile à l’indépendance. Deux initiatives, aux dires des spécialistes du dossier, parfaitement contraires à l’esprit des négociations qui avaient naguère mis fin aux troubles et ouvert une longue période d’apaisement.

Arrive donc le pompier venu jeter de l’eau sur l’incendie après avoir répandu l’essence qui l’a nourri. Il faudra à coup sûr lâcher du lest aux indépendantistes, faute de quoi les violences seront très difficiles à arrêter. Dès lors on risque fort de se retrouver ramené au cas précédent, c’est-à-dire à négocier de nouveau un avenir commun à tous les Calédoniens sans avoir le couteau de la réforme électorale sous la gorge, ce qu’on aurait pu éviter par la discussion préalable. Faite et défaire, dira-t-on, c’est toujours gouverner. Certes, mais comme dans l’affaire des gilets jaunes, allumée puis éteinte sans changer sérieusement le sort des classes populaires, on aura remué ciel et terre pour rien.

Laurent Joffrin