Macron-Musk : le rendez-vous des dupes

par Laurent Joffrin |  publié le 15/05/2023

Le président déroule le tapis rouge devant le PDG de Tesla. Habile diplomatie ou liaison dangereuse ?

Photo: Philippe Matsas

Musk est-il un must ? Emmanuel Macron reçoit à Versailles une pléiade de patrons multinationaux pour vanter auprès d’eux l’attractivité de la France. Soucieux de modernité technologique, il a réservé une place d’honneur à l’un d’entre eux, Elon Musk, PDG de Tesla et de Space X, qui a eu droit, dans la matinée, à un entretien en tête-à-tête à l’Élysée. Vraiment une bonne idée ?

Personne ne se plaindra de voir la France, dont une certaine droite ne cesse de déplorer « la décadence » ou le « déclassement », attirer à elle les investisseurs étrangers. Parmi ceux-là, c’est un fait que Musk est le plus notable et qu’il a derrière lui un parcours extraordinaire d’entrepreneur visionnaire.

Parti de rien ou presque, cet étudiant dévoreur de livres est devenu l’homme le plus riche du monde grâce à la qualité de ses innovations technologiques dans l’industrie spatiale, le numérique ou la voiture électrique. Mais il y a aussi une réalité plus gênante : celui dont Macron veut se faire l’ami se situe à l’exact opposé de toutes les valeurs de la République française. Ce futur ami économique est surtout, sur la scène mondiale, un ennemi politique.

Musk est avant tout libertarien, cette version extrême du libéralisme qui prône la domination absolue de l’économie de marché sur l’évolution des sociétés, récuse toute réglementation sociale, veut ramener le rôle de l’État à son minimum, la fiscalité au plus bas et envisage même de remplacer la police et l’armée par des agences privées.

Musk voue aux gémonies les syndicats, notamment au sein de ses entreprises, considère que l’âge de la retraite est en France beaucoup trop bas, ne cesse de moquer Joe Biden, à la fois pour sa politique et pour son âge, soutient publiquement Donald Trump (sauf sur le climat), et défend l’activiste d’extrême-droite Jack Angeli, impliqué dans l’assaut du Capitole.

Même s’il met en garde contre les dangers que recèle le développement de l’intelligence artificielle, il reste un « transhumaniste » voué à l’extension indéfinie des pouvoirs humains dopés par les machines. De même il s’en remet à la seule technologie pour conjurer les menaces climatiques, totalement étranger à l’aspect social ou politique de la mutation écologique.

Bref, un drôle de coco, à coup sûr génial dans le business, mais qui se juche sur sa réussite insigne pour administrer à l’humanité ses leçons de futurisme passablement réactionnaires. Tel est le visiteur du matin reçu à l’Élysée avec les égards réservés aux chefs d’État. Emmanuel Macron se targuera sans doute de ces liens privilégiés avec le tycoon de Tesla.

Un peu comme le monsieur Jourdain dans le « Bourgeois gentilhomme » de Molière se rengorgeait à l’idée de recevoir le fils du grand Turc qui allait le nommer grand Mamamouchi mais n’était qu’un imposteur… 

Laurent Joffrin