Macron : quand la violence ruisselle
Depuis six ans qu’il a été élu Président de la République, Emmanuel Macron a suscité la colère puis la violence. Trop sûr de lui, le manque d’empathie et d’expérience l’a amené à fracturer comme jamais le pays. Provoquant la révolte des laissés pour compte
Tout a commencé avec Jupiter, le Dieu qui gouverne le ciel, la terre et les hommes. Un sens inédit de la verticalité où tout tourne autour de lui. Tout a continué avec le ruissellement, cette théorie particulière qui veut que la richesse de ceux au sommet profite à ceux qui sont en dessous. Corollaire : la France doit croître et s’enrichir à tout prix afin que tout le monde en bénéficie.
Trouver du travail ? Il suffit, proclame-t-il, de traverser la rue ou de faire le tour du port. Ou, pourquoi pas, de créer sa propre entreprise.
En affirmant dès son accession au pouvoir son concept de « start-up nation », Emmanuel Macron a planté le décor de sa doctrine : la France réussira en attirant les investisseurs étrangers – qu’il invite chaque année au château de Versailles – et en développant l’esprit d’entreprise.
Cela a en partie fonctionné. Le chômage est en baisse et la croissance en hausse. Mais à quel prix ! Emmanuel Macron n’a oublié ou dédaigné qu’une seule chose : tout le monde n’a pas cette capacité à se hisser au niveau demandé. En laissant trop de gens au bord du chemin, il a créé tous les ingrédients de la colère qui explose aujourd’hui.
Quand le gouvernement d’Edouard Philippe annonce dès 2018 la taxe carbone, le mouvement des Gilets jaunes s’étend à tous les carrefours du pays. La France qui vote Macron, celle des villes, des bonnes études et des hauts revenus découvre, ébahie, la France des laissés pour compte dans les campagnes, ceux qui ont besoin de leur voiture pour travailler. Une France qui bascule vers la radicalité populiste, de droite et de gauche parce qu’elle ne parvient simplement plus à joindre les deux bouts. Parce que même quand elle travaille, ses revenus ne lui permettent pas de boucler la fin du mois.
C’est la même fracture qui se révèle avec la première puis la deuxième réforme des retraites. Le raisonnement de Jupiter selon lequel il faut travailler plus longtemps pour créer plus de richesses et assurer le niveau des pensions est une évidence contre laquelle ne peuvent que s’insurger ceux pour qui le travail est une souffrance telle qu’ils ne parviennent pas à se projeter sur quelques années de plus, jusqu’à 64 ans.
On se rappelle aujourd’hui que dès le printemps 2018, Emmanuel Macron avait rejeté le plan Borloo pour les banlieues. Trop médiatique, trop connu, pas assez soumis à Jupiter, Jean-Louis Borloo avait pourtant tout compris, mais s’est fait rejeter. On nous assure que des milliards ont tout de même été injectés dans les quartiers difficiles. Mais qui connaît Olivier Klein, le ministre de la Ville que l’on découvre aujourd’hui ? Qui l’a vu sur le terrain, aller à la rencontre des jeunes, des associations, pour écouter et comprendre ?
L’insoutenable mort de Nahël est l’étincelle qui allume le feu qui couvait dans le pays. Les émeutes révèlent, cette fois encore, la détresse et la révolte des laissés pour compte. Ceux qui cassent les vitrines des magasins d’alimentation ou de vêtements de marque font preuve d’une inacceptable violence et bafouent les lois de la République.
Mais ils révèlent aussi la façon dont, depuis six ans, personne ne les a pris en considération. Les poussant à une radicalité qu’on ne sait, désormais, comment l’apaiser.