Macron : un bon discours qui ne change rien
Le président a dessiné le projet une Europe plus forte et plus solidaire. Fort bien. Mais il n’est pas le seul et personne n’est obligé de voter pour sa liste.
Il faut être honnête dans son opposition : c’est la règle d’or d’un débat démocratique adulte. Alors, disons-le franchement : Emmanuel Macron, sur l’Europe, a prononcé un bon discours. Faire de l’Union une puissance, bâtir une défense commune à l’heure de l’agression russe, mettre fin à la naïveté commerciale, doubler le budget commun, s’efforcer de combler les retards industriels du continent, coopérer en matière migratoire… Quel européen sincère peut se gendarmer de voir de tels objectifs ainsi proclamés ?
Certes, Emmanuel Macron mène souvent une politique étrangère sinueuse, imprévisible, et même déroutante par ses initiatives incongrues non suivies d’effets. Mais en matière européenne, il n’a guère varié et sa vision d’avenir, celle d’une Union-puissance, plus solidaire et plus active, correspond à celle des partisans rationnels de la construction européenne. Elle a le mérite de jouer franc jeu face aux discours obliques de paralysie, voire de destruction, tenu par les extrêmes en cette matière.
Cela aura-t-il un effet électoral, puisque le président a été contraint, devant le naufrage annoncé de sa liste au scrutin de juin, d’employer les grands moyens et de s’impliquer directement, faute d’avoir trouvé une porte-parole capable de le faire ? Son discours fleuve a le mérite de bien marquer la différence avec le favori de la course, Jordan Bardella, dont la posture méfiante envers l’Union lui octroie le soutien de près d’un tiers des électeurs. Si Macron réussit à grignoter le capital de voix du Rassemblement national, qui peut s’en plaindre ?
Courants
En revanche, contrairement à l’élection présidentielle où le chantage à la victoire des nationalistes trouve une application immédiate, le scrutin européen n’oblige personne à voter pour lui. La liste de la majorité n’est pas la seule à professer une conviction européenne claire et nette. Celle des socialistes, ou celle des écologistes et de la droite classique, dans une moindre mesure, remplissent le même office. Dans la maison pro-européenne, il y a plusieurs courants : chacun est libre de choisir le sien, du moment qu’il va dans le sens d’une Union meilleure. Macron n’est certainement pas la « carte forcée ».
Pour la gauche démocratique, il est même recommandé de réfléchir à l’échelle de l’Union : seul le groupe social-démocrate est en mesure de former une majorité alternative à celle qui domine aujourd’hui l’Union sur des bases plus conservatrices. Vainqueurs, les sociaux-démocrates, dont les convictions européennes sont au moins égales à celle du président français, peuvent revendiquer la direction de la Commission, ce qui donnerait à l’Europe une orientation progressiste. D’autant que Glucksmann et ses amis souhaitent peser dans le sens de la mutation écologique et de la justice sociale, plus que ne le font les macronistes.
À cela s’ajoutent des considérations plus nationales : une bonne performance de la liste de gauche rationnelle, en nous affranchissant du cauchemar mélenchoniste, changerait le paysage politique et ouvrirait la possibilité d’un choix plus ouvert en 2027, qui n’obligera pas les électeurs à voter pour une candidature qui ne leur plaît pas, de peur de faire gagner celle qui leur plaît encore moins. En un mot, le bon discours de Macron ne change rien à l’équation de ce scrutin. Ceux qui veulent une politique de centre-droit, penchant nettement à droite, voteront Hayer. Ceux qui espèrent le renouveau d’une gauche crédible persisteront dans les intentions qui se dessinent dès aujourd’hui dans les sondages.