Macron : un bonapartisme revu par McKinsey
Le doublement des dépenses de conseil sous Macron n’est pas seulement un dérapage. C’est une conception de l’État, et du pays
La Cour des Comptes fustige le recours excessif de l’État aux cabinets de conseil privés. Cette pratique a doublé en dix ans, atteignant les 200 millions d’euros en 2022 (pour être juste, elle avait déjà pris de l’ampleur depuis 2014). Elle est mal justifiée, souvent incohérente, elle a donné lieu à des irrégularités pendables et son utilité est mise en doute.
On verra dans cette dérive un nouvel exemple des mauvaises habitudes de l’administration français que la Cour déplore depuis des lustres. Mais on y décèle aussi la traduction d’une philosophie, celle qui sous-tend depuis l’origine le macronisme en action.
On citera pour mémoire le cas du cabinet McKinsey, qui avait participé gratuitement à la mise sur pied de la candidature d’Emmanuel Macron et qui a ensuite bénéficié d’importants marchés auprès de L’État. Les intéressés peuvent toujours plaider la coïncidence, même si celle-ci est quelque peu troublante. En fait, le recours aux conseils du privé va bien au-delà. Il découle surtout d’une conception plus générale de l’action publique.
Ancien inspecteur des Finances, ancien banquier d’affaires, le président a fait siennes les réflexions qui courent sans cesse parmi ces pontes de la finance, publique ou privée : la France ploie sous le poids des dépenses publiques, son administration est rigide, bureaucratique, sans imagination, la haute fonction publique est corporatiste, conservatrice et maniaque de l’impôt.
D’où les sorties du ministre de l’Économie, puis du président, sur l’impôt sur la fortune (« Cuba sans le soleil ») sur la nécessaire libéralisation de l’économie (les « bus Macron »), sur l’excès des dépenses sociales (le « pognon de dingue »), le tout sans l’indifférence complice d’une classe politique démagogique avec les « Gaulois réfractaires ».
La solution macronienne se trouve dans l’agilité, la créativité, l’efficacité gestionnaire dont font preuve en permanence les entreprises privées. D’où le thème récurrent de la « start-up nation », leitmotiv du président, d’où le recours aux boîtes de conseil, qui ont pour mission, en fait, d’importer dans le service public les pratiques éprouvées dans le secteur privé.
C’est ainsi que s’est mise en place une forme de technocratisme managérial qui conjugue la vision verticale de ceux qui savent mieux que le peuple où est son intérêt, avec une préférence pour les mécanismes de l’économie de marché. Une sorte de libéralisme d’État, oxymore qui définit le projet macronien. Le macronisme ? Un bonapartisme révisé par McKinsey.